Wrong cops


Avoir une double vie, de nos jours, n'a rien d'extraordinaire. Et si avant on trompait sa femme, c'est surtout la routine que l'on cherche à tromper aujourd'hui. Faire de la musique électronique, poser pour des revues porno gays, trafiquer de la drogue cachée dans des rats crevés, creuser son jardin pour y déterrer un trésor : rien de bien méchant, dans le fond, que ces petits secrets-là. Chez Quentin Dupieux, cependant, ces hobbys sont ceux d'une bande de flics ripoux et dégénérés, dont la bêtise satisfaite va entraîner une cascade de quiproquos graduellement absurdes et tragiques. Duke, le plus tordu de tous, après avoir abattu sans le faire exprès son voisin, harcèle un adolescent en l'obligeant à écouter de la musique pendant qu'il se détend en slip sur son canapé ; Sunshine, pour éviter l'infamie familiale d'une révélation sur ses activités pornographiques, doit céder au chantage de sa collègue Holmes ; quant à De Luca, il laisse s'exprimer pleinement son penchant pour le harcèlement sexuel des femmes à forte poitrine…

Sous le soleil écrasant de Los Angeles et avec ce style désormais reconnaissable, Quentin Dupieux croise les histoires de cette brigade corrompue jusqu'à l'os, non pour en fustiger les mœurs — même s'il y a quelque chose d'authentiquement subversif dans ce défilé de crétins badgés et armés — mais pour pousser à nouveau la logique du «no reason» jusqu'à son stade burlesque terminal. Ici plus que dans son précédent Wrong, on sent que l'écriture se fait quasiment à la manière des surréalistes, comme une machine qui s'emballerait toute seule à partir du moment où on lui a fourni suffisamment de carburant.

Celui de Dupieux, ce sont les acteurs, tous des gueules et des personnalités hors norme, d'Eric Wareheim — le gros libidineux — à Mark Burnham — le mélomane défoncé — en passant par Steve Little, Éric Judor et Marylin Manson, assez dingue en vieil ado efféminé. Si Wrong cops n'est pas forcément le film le plus abouti de son auteur, c'est sans doute le plus accessible et le plus bidonnant, avec un art très maîtrisé du dérapage contrôlé.

Christophe Chabert

Wrong cops
De Quentin Dupieux (Fr-ÉU, 1h25) avec Mark Burnham, Steve Little, Éric Judor…


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