Après le cinéma, le déluge…

Les adieux (au langage) de Godard, l'Australie d'après la chute de David Michôd, les deux frères après la mort de leur père chez Vincent Mariette : en juin, au cinéma, il faudra faire quelques deuils pour voir de bons films ! Christophe Chabert


Quand un cinéaste fait des débuts aussi prometteurs que ceux de David Michôd avec l'excellent polar Animal kingdom il y a trois ans, les portes s'ouvrent à lui pour ses projets futurs. Pour The Rover (4 juin), il a effectivement profité de ces portes ouvertes — en atteste la présence de Robert Pattinson au générique, dans un rôle casse-cou dont il sort grandi — mais pour mieux les refermer sèchement au nez de ses producteurs. Difficile en effet d'imaginer œuvre plus suicidaire commercialement : dans une Australie «d'après la chute», un type impassible (Guy Pearce) et un autre à moitié débile et à moitié claqué (Pattinson) passent une heure quarante à chercher une voiture, semant la mort sur leur passage, errant dans des paysages dignes de Gerry, regardant passer un train interminable emmenant le charbon australien vers la Chine… Comme si Mad Max avait été écrit par Beckett, The Rover se présente en film post-apocalyptique abstrait réfléchissant sur l'ironie tragique d'une existence en sursis. Étonnant, mais pas évident, mieux vaut le préciser.

Adieu Tristesse

Pas évident non plus, le dernier Godard, Adieu au langage (25 juin)… Pourtant, c'est son film le plus ouvert depuis au moins vingt ans, puisqu'il trouve à nouveau une place au spectateur : celle du visiteur médusé par autant de beauté sur l'écran. Chaque plan, transcendé par un usage parfois révolutionnaire de la 3D, est un enchantement visuel, Godard empoignant cette nouvelle manière de filmer comme un enfant redécouvrant le monde et le livrant dans sa splendeur inaltérée au regard du public. L'ermite helvète s'y adonne à une surprenante généalogie humaine et politique, revenant aux origines (du totalitarisme, de l'image, de l'humanité, avec ce couple qui erre nu dans les plans tels Adam et Eve) pour peindre un avenir où il se rêve en peintre et s'imagine revenir en chien. On insiste : c'est sublime.

Plus facile d'accès, le premier film très réussi de Vincent Mariette, Tristesse club (4 juin). Qui porte mal son titre : c'est une comédie avec des pointes de mélancolie où deux frères que rien ne rapproche — Laurent Lafitte et Vincent Macaigne — doivent aller enterrer ce père qu'ils n'ont pas vu depuis des lustres, et tombent sur leur soi disant demi-sœur — Ludivine Sagnier. Commence alors une sorte de road movie immobile en bord de lac et de montagne où Mariette surmonte l'influence Wes Anderson manifeste de son scénario pour imposer un ton, un style et surtout un univers attachant où les situations, les dialogues et les personnages semblent sans cesse sur le point de basculer dans l'absurde. Jolie découverte et film parfait pour un début d'été.


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