Quand «doper l'opéra» opéra...

Metropolitan Opera de New York, Covent Garden de Londres, Bolshoï de Moscou, les plus grandes maisons d'opéra de la planète essaiment leurs menus gastronomiques dans nos salles obscures pour le prix d'un apéro entre amis. Démocratisation et nivellement par le haut ou asphyxie du commerce lyrique local ? Alain Koenig


Les apôtres français d'un modèle participatif s'inquiètent du succès des retransmissions d'opéra au cinéma. Hier absentes du peloton des salles obscures, les grandes maisons françaises commencent seulement à s'intéresser aux droits de retransmission, au grand dam d'un certain nombre d'établissements, exclus du club par un rayonnement résolument local ou des moyens limités. Après l'Opéra de Paris, l'Opéra de Bordeaux succombe à l'attrait du grand écran. La manne escomptée pourrait-elle être l'occasion de «démocratiser» un art qualifié, hier encore, d'élitiste ? Mais alors, comment expliquer le vif engouement du public, lorsque l'œil de la caméra entrouvre le grand rideau rouge, filme le jeu fusionnel des cordes du Met ou les pointes des étoiles du Bolshoï ? L'amour du beau, le culte du labeur, des solistes héroïques qui «passent» l'orchestre dans la plus pure tradition lyrique sont des valeurs-refuges dans lesquelles se reconnaît un public prêt à s'engouffrer dans la légitimité rassurante d'une salle obscure et affreusement intimidé par les ors d'un Palais-Garnier... Molière ne suggérait-il pas jadis, que la méfiance des puissants à l'égard du goût du plus grand nombre générait le schisme social, et non le contraire ?

Arme de diffusion massive
On attend toujours les productions du Met et, cette année encore ne décevra pas. On retrouvera les grandes pointures Anna Netrebko et Joseph Calleja dans Macbeth de Verdi. Isabel Leonard, incarnera une Rosine d'anthologie dans Le Barbier de Séville sous l'impulsion du «grand» James Levine, qui sera également aux manettes de l'opéra-fleuve de Wagner Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg. Ne manquez sous aucun prétexte La Donna del Lago de Rossini, ne serait-ce que pour entendre Joyce Di Donato et son ébouriffant complice Juan-Diego Flores détrôner tous les standards rossiniens... En plus, ils sont beaux ! Covent Garden sortira également l'argenterie: Vittorio Grigolo, Placido Domingo, Bryn Terfel, Anna Netrebko, Lucy Crowe... et confiera pas moins de trois ouvrages à Antonio Pappano, qui n'a de leçons de direction à recevoir de personne. Côté français, La Bohème du Grand-Théâtre de Bordeaux donnera l'occasion d'entendre l'envoûtant Rodolfo de Sébastien Guèze amoureux de la délicieuse Nathalie Manfrino(Mimi) : deux français ! Non mais !


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