Mille pas de danse à Saint-Etienne

Happening à Saint-Etienne ! Avant sa prise de fonction à l'Opéra de Paris, en qualité de directeur de la danse, Benjamin Millepied réserve à Lyon, la ville où à l'âge de treize ans, sur dérogation, il est entré au Conservatoire national supérieur de musique et de danse, sa dernière création dans le cadre de la biennale de la danse qui, pour la première fois, s'installe à l'Opéra théâtre de Saint-Etienne pour une résidence de création prestigieuse. MB


Avoir grandi au Sénégal, de l'âge de trois mois à quatre ans, auprès d'un père entraîneur sportif et d'une mère professeur de danse contemporaine, s'occupant d'une école de danse contemporaine et africaine où il s'initie aux prémices de la danse, a certainement contribué à sensibiliser le jeune Benjamin à un monde de la danse ouvert au mélange des références et des styles. C'est là ce qui marque la compagnie L.A.Dance Project créée par ce jeune chorégraphe qui court du cinéma, avec Black Swan, à la scène, féru de danse hip-hop et de musique contemporaine qui est presque toujours ce qui l'inspire. Entré sur dérogation d'âge à treize ans au Conservatoire de Lyon, premier soliste du New-York City Ballet, danseur étoile de cette institution, il a un parcours de danseur classique et ça se sent dans sa danse ; mais sa compagnie, certes de danse contemporaine, cherche à fédérer autour de la danse des artistes de tous horizons : musiciens, scénographes, plasticiens, vidéastes.. C'est un héritage très fort. Le spectacle en trois parties, dont deux créations mondiales, présenté à Saint-Etienne, fait cohabiter avec audace la danse impétueuse de l'Israélien Roy Assaf, l'environnement visuel et sonore avec la reprise d'une pièce du Japonais Hiroaki Umeda et bien évidemment l'élégance et la finesse de Benjamin Millepied qui s'assure pour sa création, la collaboration du jeune compositeur et musicien Andy Akiho, aussi à l'aise avec les percussions qu'avec les mélodies classiques.

Avec Benjamin Millepied, la liberté entre à l'Opéra de Paris
Benjamin Millepied accède donc à la direction de la plus ancienne compagnie de danse au monde, celle de l'Opéra de Paris, créée en 1661 par Louis XIV lui-même. S'asseoir, sous la grande coupole verte de l'Opéra Garnier dans le glorieux fauteuil de directeur de compagnie, occupé jadis par le célébrissime Noureev, auquel succédera à trente et un ans, son rival et son double, le Noureev version française, Patrick Dupond, ne doit pas être un mince héritage. Noureev avait commencé à briser cette structure séculaire, à bousculer la sacro-sainte hiérarchie qui faisait de l'Opéra de Paris, une tour d'ivoire ingérable. Qu'en sera-t-il avec B. Millepied et sa vivifiante liberté créatrice, l'ouverture tous azimuts à des styles variés, des écritures artistiques aux antipodes parfois des « arts canoniques » ? Dans la crise de sens que traverse notre société, faisons confiance aux artistes et aux créateurs qui nous emmènent vers des mondes sensibles inédits et de nouveaux modèles esthétiques et laissons le mot de la fin à l'immortel Noureev qui a dit : «Les danseurs ne peuvent progresser qu'en sortant d'eux-mêmes, en vivant dans la démesure, dans l'exceptionnel. » Gageons que Benjamin Millepied ne démériterait pas aux yeux de Noureev, qu'il aurait pu faire partie des «appelés» inclus dans le sérail et qu'il regarderait maintenant avec joie son benjamin installé dans le fauteuil où son passage riche mais ô combien tumultueux est encore dans toutes les mémoires.

L.A. Dance Project, jeudi 25 septembre à 20h, Grand Théâtre Massenet à l'Opéra-Théâtre de Saint-Etienne


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