"Nous avons toujours vécu de bons moments à Sainté"

Lofofora, c'est vingt-cinq ans de musique métal. Avec la sortie de leur huitième album studio, "L'Épreuve du Contraire", le groupe a entamé une tournée et passe par le FIL ce samedi 25 octobre. L'occasion d'aborder plusieurs thèmes avec Reuno, le chanteur du groupe, dont sa relation avec Saint-Étienne. Propos recueillis par Nicolas Bros.


Vous avez fait une poignée de dates depuis la sortie de L'Épreuve du Contraire. Comment se passe la tournée jusqu'à présent ?

Reuno : Cela se passe très bien. Je suis toujours étonné car cela fait quand même très longtemps que l'on existe. Je me demande toujours si nous interessons encore les gens. Je ne suis pas trop traqueur sauf sur ce point-là. Lorsque l'on sort un nouveau disque, ce n'est jamais par habitude mais lorsque l'on a quelque chose à mettre dedans. Sur ce début de tournée, il y a du monde avec des ambiances terribles donc c'est bon signe !

Votre dernier album a réellement été enregistré en quatorze jours seulement ?

Oui. Deux semaines de prise, c'est en général notre tempo. Il n'y a qu'un seul album pour lequel nous avons mis une semaine de plus, c'était Mémoire de singes (en 2007) car nous l'avons enregistré dans les Landes. Nous nous arrêtions de travailler à 18h pour aller à la plage...

Où avez-vous enregistré L'Épreuve du Contraire ?

Nous sommes allés en Bretagne. Pour le coup, nous étions sûrs de ne pas nous baigner. Nous avons des amis sur place, le groupe Tagada Jones et leur tourneur/boîte de prod Les Enragés qui possèdent un studio très bien équipé. L'avantage est que tu peux habiter sur place. Nous aimons bien rester sur le lieu de l'enregistrement. C'est une sorte de condition sine qua none. Notre particularité est de ne pas vouloir enregistrer là où nous vivons habituellement. Il est important de couper de la vie quotidienne pour enregistrer. Se retrouver entre potes autour de la musique. Le seul album que nous avons enregistré à Paris c'est à l'époque où aucun d'entre nous n'habitait à Paris ou région parisienne.

Est-ce que sur ce dernier album comme sur le précédent (Monstre Ordinaire), tu as tout écrit dans les dernières semaines avant d'entrer en studio ?

Sur Monstre Ordinaire, j'avais en effet tout écrit sur trois semaines. Mais mes amis musiciens étaient trop inquiets. Alors j'ai procédé différemment sur le dernier en m'y prenant à l'avance, toujours en écrivant à partir de la musique créée par mes amis. Je suis un peu phobique des habitudes. C'est d'ailleurs un pour cela que l'on va enregistrer à chaque fois dans des endroits différents.

Quelles thématiques vous abordez sur L'Épreuve du Contraire ?

Le titre de l'album donne un peu la thématique générale. Le côté schizophrène de notre civilisation, comme je l'explique notamment sur le titre Pyromane, on veut tout et son contraire. Chacun veut une planète plus propre pour ses enfants mais en même temps on change de téléphone portable tous les six mois... C'est un exemple de notre mode de consommation. Il y a des choses vraiment absurdes dans notre société que j'ai voulues exprimer dans cet album. Après, j'ai bien conscience de tourner toujours autour des mêmes thèmes. J'écris sur la musique et notre musique est énervée donc j'aurais du mal à écrire des choses plus pacifiques et moins anxiogènes. Mais j'essaie d'avoir un angle d'attaque différent pour chaque nouvel album.

Est-ce que Saint-Étienne est une ville avec laquelle tu as une relation particulière  ?

A Saint-Étienne, nous jouions dans une salle pas très confortable pour les concerts, le Hall C, mais curieusement nous avons toujours vécu de bons moments là-bas. C'est sans doute grâce aux organisateurs mais aussi au public. Il y a toute une bande de "lascars", de vrais gens, sans manières, un peu bourrus et un peu rentre dedans. J'aime beaucoup les personnes comme celles-là. On n'est pas là pour faire des salamalecs. Enfin, je pense aussi à Kader, un Stéphanois qui habitait Paris. C'était un proche de la Mano Negra et un grand habitué de la scène rock à Paris. Il est décédé récemment dans sa famille à Saint-Étienne et on aura forcément une grande pensée pour lui lors de notre passage au FIL.

Est-ce que la position du métal a évolué en France depuis les débuts de Lofo' ?

Le métal est une musique qui fait moins peur aujourd'hui. Le succès du Hellfest, par exemple, a fait du bien. Cela dit, c'est toujours un peu une problème de tout et son contraire. Ce festival est le deuxième de France en fréquentation mais aucun média généraliste ne traite jamais de média hormis Le Petit Journal de Yann Barthès où il doit y avoir un fan de métal dans la rédac. Même sur France 4, tu ne tomberas pas sur un concert de métal en pleine nuit... Il n'y a aujourd'hui que l'émission "Une dose de métal" sur l'Enôrme TV qui traite de notre style musical. Mais ils ne sont pas diffusés de partout. Je me rappelle, quand j'étais gamin, qu'au début des années 80 alors qu'il n'y avait pas beaucoup de chaînes contrairement à aujourd'hui, on trouvait par exemple Antoine de Caunes qui n'hésitait pas à balancer trois quarts d'heure de Motörhead en plein samedi après-midi ou encore une émission le dimanche soir sur FR3 où étaient présentées les jeunes découvertes rock dont des groupes punk anecdotiques. Il faut se rappeler de tout ça.

Quelques coups de coeurs métal ?

Je dirais d'abord Anorak, un groupe originaire d'Amiens. C'est très rentre dedans. On aime beaucoup. Ensuite, pour rester dans le son bien lourd mais en même temps assez dépressif, le groupe montpelliérain Verdun. J'aime vraiment leur musique et en live, ils ont une énergie qui te glace le sang. Dans une note plus enlevée, le groupe de rap La Canaille originaire de Montreuil, là où je vis depuis maintenant quelques années. Une formation sans platines avec un chanteur, une basse, une batterie et une guitare. Ils ont des textes ravageurs, très bons. Enfin, dans le style stoner, le groupe lillois 7 Weeks.

Lofofora + Toxic Nevermind, samedi 25 octobre à 20h30, Le Fil, Saint-Étienne


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