L'orfèvre élect'Rone

Exaltant et passionnant, le troisième album de Rone, Creatures, est sublime en tous points. Production très soignée, collaborations étincelantes, ambiances musicales féériques, Rone confirme qu'il est le diamant brut de l'électro française du 21ème siècle. Il sera à Saint-Étienne fin janvier, juste avant la sortie de ce nouveau disque. Nicolas Bros


Même si l'effet de surprise n'est plus vraiment de la partie, le Rone cru 2015 met tout le monde d'accord. Intitulé Creatures, le troisième album du Parisien monte la barre très haut. Oniriques et lumineux, les douze titres composant cet opus sont autant de signes confirmant que nous avons là un très grand des musiques électroniques. À 34 ans, Erwan Castex alias Rone passe une étape supplémentaire dans sa courte mais étonnante carrière, jalonnée de succès. L'effervescence ayant entouré Tohu Bohu, son précédent disque sorti en octobre 2012, témoignait déjà de la qualité des productions de l'artiste alors exilé à Berlin : un véritable condensé de bombes électroniques entre douceur et dancefloor, telles l'imparable Bye Bye Macadam ou le florissant Parade. Avec Creatures, Rone réitère l'exploit, allant encore plus loin dans la création et réalisant ainsi le disque le plus jouissif de ce début d'année. Le fruit du travail minutieux d'un véritable passionné de sons électroniques naviguant à l'étage céleste.

Sons tentaculaires et épanouissement auditif
Très mélodique, Creatures est également un album poussé sur le plan technique, conservant un côté paradoxal dans sa construction. "Ce qui est étonnant, explique Rone, c'est que Creatures est mon album le plus collectif mais également le plus intime." Dans le but d'atteindre un niveau supplémentaire dans sa création, Rone a pu s'appuyer sur une équipe de techniciens et de musiciens qui l'ont accompagné. Cela lui permettant de laisser s'exprimer ses idées artistiques en allant jusqu'à des sons tentaculaires propices à l'expérience auditive inédite comme sur les titres Acid Reflux ou Ouija. "Au départ, je crée la musique chez moi, explique-t-il. Mais très vite, des limites techniques apparaissent, notamment en terme de mixage. Les ingénieurs du son m'ont permis d'obtenir plus de relief, d'espace et même de silence dans ma musique. Au final, j'étais un peu moins focalisé sur la technique et j'ai pu me concentrer sur la création." Quant au côté intime, il suffit de regarder de plus près les visuels de Créatures, notamment sur scène. Ils ont tous été conçus par Lili Wood, qui n'est autre que la compagne et mère de la fille de Rone. "L'idée de travailler en couple m'a fait peur au début. Mais finalement, cela s'est vraiment bien passé. La musique a littéralement envahi notre maison" sourit l'intéressé.

Expérimenter l'overground
L'autre aspect qui marque en découvrant cette nouvelle épreuve, ce sont les noms des artistes ayant apporté leur patte à Créatures. Aux côtés du génialissime percussionniste Bachar Mar-Khalifé, se succèdent des noms prestigieux tels Etienne Daho et le bassiste de The National Bryce Dessner sur Mortelle ou bien François Marry (sans ses Atlas Mountains) sur Quitter la Ville. Et lorsqu'on lui parle d'un côté plus pop avec l'arrivée de chanteurs, Rone répond "qu'il n'a pas envie de formater sa musique et que ce qui l'intéresse, ce n'est pas de faire de la musique obscure mais bien d'expérimenter l'"overground"". Rone, pour qui l'adage "créer c'est vivre" est plus que jamais valable, est un laborantin des sons modernes. Et même si sa réputation de timide le précède, sur scène cette facette de sa personnalité se transforme en véritable moteur afin de proposer des lives mémorables (demandez donc aux spectateurs des dernières Transmusicales de Rennes) loin des Dj sets 4/4, empreints de profondeur musicale et visuelle. 

Rone + Joris Delacroix + Microtrauma + Romulus + Mush, vendredi 30 janvier au FIL


Légende photo : Rone mord à pleines dents l'année 2015


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