« Houellebecq a une vision simple et lucide de ses contemporains »

Parmi les comédiens venus grossir les rangs du collectif SVPLMC (Si Vous Pouviez Lécher Mon Coeur), créateur de la pièce, Joseph Drouet prend en charge plusieurs personnages. Propos Recueillis par Florence Barnola.


Comment avez-vous travaillé cette adaptation du roman de Houellebecq avec SVPLMC ?

Nous étions 3 ou 4 nouveaux, le collectif a été très accueillant et même content de découvrir une nouvelle manière de travailler, d'approcher le texte. Ils ont un rapport très fort au texte, ils travaillent beaucoup à la table, ils cherchent le rythme de chaque réplique, ça a l'air très vivant et très naturel, pour autant c'est très précis. Les quatre personnages principaux étaient distribués dès le début. Assez vite nous avons su quelle partie nous allions avoir pour pouvoir la creuser. Julien (ndlr : Gosselin) a transposé des passages de narration au discours direct. Le premier jour des répétitions, il est arrivé avec un très gros paquet de textes. Nous avons tout lu, puis nous avons essayé des choses sur scène. Un tiers n'a pas été gardé. Le vidéaste et l'acteur qui s'occupent de la musique étaient présents du premier au dernier jour. Ils testaient des sons, des images. Julien est un directeur d'acteurs. Il peut être dur sur les choses qu'il veut obtenir. Le placement et la mise en scène l'intéressent assez peu, ce qui est important pour lui c'est l'interprétation et comment on traite tel ou tel personnage, il ne nous lâchait vraiment pas là-dessus. Il est sévère mais on rigole beaucoup en fait. Cette adaptation inclut de la narration, qui n‘est pas celle du cinéma. Il s'agit de restituer le texte simplement mais en étant engagé, c'est presque du chœur de tragédie. Le texte fait le rapport entre les personnages.

Etiez-vous familier de Houellebecq avant cette création ?

Oui, je connaissais quelques romans. J'aimais beaucoup. Nous n'étions pas tous fans au départ, mais nous étions assez convaincus car l'adaptation est vivante, et la langue belle. Au milieu de tout le marasme pessimiste que l'on peut voir en premier lieu, il y a beaucoup de poésie. C'est une écriture très imagée qui se prête assez bien au monologue ou à la scansion, qui véhicule des sentiments très forts, des passions. Et la langue est agréable à dire, à projeter.

Pourquoi adapter scéniquement aujourd'hui ce roman de 1998 d'un auteur de la génération 68 ?

Cette génération est celle de nos parents. Je crois qu'il est bien d'interroger les racines proches, cela éclaire parfois l'époque actuelle. Il y a des choses qui ne sont pas réglées du tout comme la compétition sexuelle ou la compétition libérale. 1998, ce n'est pas si vieux, cela parle encore aux gens qui trouvent que c'est une bonne description de l'époque actuelle. Les personnages sont universels ainsi que la recherche de l'amour ou la défaite amoureuse. C'est même futuriste à la fin quand Houellebecq parle du clonage et que l'on se projette dans 30 ans. Houellebecq a une vision simple et lucide de ses contemporains, de la cruauté que l'on peut avoir les uns envers les autres. Il a bien compris son époque. C'est aussi un poète. Certains spectateurs qui n'aimaient pas ses romans disent qu'ils ont été surpris, la langue leur a beaucoup plus, ça les a réconcilié avec lui. Le texte est rarement dépassé. Certaines références ne dureront peut-être pas encore dix ans, comme quand il parle de Bruno Masure ou d'Edouard Balladur…

Michel Houellebecq est venu vous voir…

Assez tardivement quand on jouait à l'Odéon à Paris début novembre dernier. Il a été touché. Il avait oublié certains aspects de son texte. Il était curieux de savoir comment on avait fait, pourquoi on avait coupé tel ou tel passage. Cela lui a plutôt plu.

Une prochaine création tous ensemble ?

Oui. Julien a proposé à la même équipe sa production suivante avec quelques comédiens supplémentaires. Ce sera aussi une adaptation de roman, celui de Roberto Bolano, 2666. Un roman assez conséquent (1000 pages). On le créera pour la saison prochaine, en janvier 2016.


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