Mon amie Victoria


Autrefois chantre d'un cinéma auteurisant ascétique et particulièrement casse-burnes, Jean-Paul Civeyrac a mis de l'eau dans son vin avec Mon amie Victoria, sans doute son film le plus accessible. Est-ce réussi pour autant ?

Cette adaptation d'un roman de Doris Lessing montre le choc culturel entre une jeune fille noire et une famille que la voix-off prend bien soin de nous décrire comme «de gauche». Recueillie brièvement chez eux pendant un passage à l'hôpital de la tante qui l'élève, Victoria, alors âgé de 11 ans, connaît son premier émoi sentimental au contact de l'aîné de la famille. Mais c'est aussi la découverte d'un appartement luxueux, propre et frais qui la déboussole. Des années après, devenue une belle jeune femme, elle noue une idylle avec le plus jeune frère de cette même famille, dont elle aura un enfant. Mais les distances sociales sont manifestement infranchissables pour Civeyrac, qui plaque sans cesse un discours plutôt expéditif sur son récit.

Pour lui, le racisme est aussi — surtout ? — dans la condescendance, même nantie des meilleures intentions, des bourgeois blancs envers les pauvres noirs, et la désillusion qui saisit Victoria lorsqu'elle découvre qu'elle ne pourra jamais participer à ce monde-là est comme écrite par avance dans le scénario — ce n'est pas pour rien si celui-ci est raconté au passé par la meilleure amie de Victoria. Le film est comme aspiré par cette prédétermination-là, renforçant le caractère scolaire de la mise en scène et la maladresse des acteurs, pas franchement convaincants, sans parler du côté donneur de leçons de Civeyrac. Comme ses personnages, il préfère regarder le monde contemporain par la fenêtre de son bureau, plutôt qu'en se mêlant aux gens qui traversent la place devant son immeuble.

Christophe Chabert

Mon amie Victoria
De Jean-Paul Civeyrac (Fr, 1h35) avec Guslagie Malanda, Nadia Moussa…


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