Un univers impitoyable

A l'heure où sur toutes les lèvres s'articule le mot "économie", "Building" est une comédie truculente mais grinçante explore de bas en haut le monde de l'entreprise. Florence Barnola


Cinq comédiens, deux femmes trois hommes et 32 personnages donnent vie à cette fable au vitriol sur l'entreprise. Pour tout costume un tailleur ou deux pièces cravate sur lequel à chaque changement de rôle se rajoute (ou s'enlève) un accessoire. Des personnages en quelque sorte interchangeables, leur fonction étant plus importante que leur identité. Building passe au tamis les us et coutumes du monde professionnel durant une journée entière de travail. On commence à 8 heures avec la France d'en bas qui se lève tôt pour finir à 20 h avec celle d'en haut qui travaille tard. Zoom sur le siège d'une société du tertiaire, Consulting Conseil qui a installé hiérarchiquement ses employés sur 13 étages. A chaque étage sa scène : des sous-sol à la terrasse, des agents d'entretien aux hôtesses aux chargés de communication aux comptables aux cadres au directeur des ressources humaines… Dans cette entreprise comme ailleurs, un seul mot d'ordre : rentabilité ! C'est d'ailleurs le discours d'introduction de notre Président Directeur Général (Mao Zedong de l'entreprenariat) qui s'adresse surtout à nous, public actionnaire. Étonnamment, plus on monte, plus la journée s'avance, plus le discours se mécanise, plus les protagonistes s'étouffent sous la pression sociale jusqu'à en perdre la raison. Le voile se déchire au fil de la journée laissant exploser les humiliations, les jalousies, les coups bas, le cynisme des dirigeants… Pendant ce temps-là à de nombreuses reprises des pigeons se cognent contre les vitres de cette cage de verre…

Une comédie acide rondement bien menée

Léonore Cofino est l'une des interprètes mais aussi l'auteur de ce texte, de cette comédie puisqu'on rit, très bien rythmé, percutant, aux dialogues musclés mais trouvant une respiration avec des moments musicaux chorégraphiés. Le rythme du spectacle s'accélère échappant à tout contrôle; belle allégorie du monde du travail. Il faut toujours être plus productif, avoir toujours plus de compétences pour atteindre les objectifs financiers, ici, des actionnaires. En faisant du spectateur un actionnaire, la metteuse en scène voudrait-elle exprimer ô combien il est difficile aujourd'hui de plaire au public, qu'il faut être très inventif pour capter son attention ? Plus largement, le propos de la pièce porte sur la perte d'identité et des idéaux de notre société qui se déshumanise prise dans une spirale de productivité. Le tout est joué avec humour alors pourquoi se priver de passer une bonne soirée ?

Building à Saint Chamond le 27 février à 20h30


Légende photo : Building passe au crible le monde de l'entreprise


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