Voyage dans le temps et l'espace

Le Ballet de Lorraine avait, la saison dernière, réjoui le public de l'Opéra-théâtre venu applaudir, à l'occasion du festival Nouveau Siècle, deux grandes dames de la danse contemporaine : Twyla Tharp et Mathilde Monnier. Ne dérogeant pas à l'un de ses leitmotiv - tisser des liens entre le passé et le présent - il nous entraîne cette année dans un voyage au cours de l'histoire récente de la danse. Monique Bonnefond


Paris 1924 : Relâche. New-York 1975 : Sounddance. Paris 2014 : Corps de ballet. Lier Paris à New-York à trois époques différentes, trois moments forts de l'histoire de la danse, c'est le défi que relèvent les danseurs du Ballet de Lorraine. Le voyage commence par Corps de ballet, création du jeune chorégraphe Noé Soulier dont la vivifiante liberté créatrice, loin des oppositions esthétiques binaires, se joue des codes de la danse classique. «J'ai décidé de prendre le contre-pied de ce que l'on pourrait attendre du "contemporain"».

Avec Sounddance, Merce Cunningham nous offre quant à lui une pièce bourrée d'énergie qui fait «apparaître et disparaitre, l'un après l'autre, les dix danseurs derrière un immense rideau doré». Le résultat est concentré en dix-huit minutes explosives d'un chaos organisé. Tout ceci en réaction à l'uniformité du ballet qu'il venait de créer à l'Opéra de Paris, où «les danseurs classiques avaient été si rigides et si raides dans leur corps» que cela lui avait pesé. Enfin, le voyage s'achève sur une création pour les Ballets Suédois en pleines Années Folles : Relâche. Un peintre surréaliste : Picabia, un musicien : Erik Satie, un cinéaste : René Clair et un chorégraphe : Jean Börlin signent en 1924 une des pièces les plus incroyables de l'histoire de la danse, dont le titre Relâche sonne comme une blague provocatrice : «Il y a quoi ce soir au théâtre ? Y'a Relâche».

Mélange de styles et d'époques
En juxtaposant des pièces historiques et des créations, Paris-New-York-Paris, soumet ainsi la danse contemporaine à l'épreuve d'œuvres emblématiques du XXe siècle en nous donnant une vision élargie de la danse; pas seulement dans les démarches artistiques mais également dans le temps avec une prise en compte de l'histoire. C'est une chance donnée au public de voir des œuvres cultes du XXe siècle comme Relâche où le Ballet de Lorraine réactive un geste fort de l'histoire, un des premiers happenings chorégraphiques en 1924. Nous vivons une période d'ouverture où les styles, les références, les époques se mélangent, se croisent et nous emmènent vers des mondes inédits, vers de nouveaux modèles esthétiques. Ce spectacle en est la preuve.

Paris-New-York-Paris, mardi 17 mars à 20h à l'Opéra-Théâtre de Saint-Étienne


<< article précédent
Les balbutiements inspirés de Tachka