Deux Lazar(e) pour le prix d'un !

La Comédie reçoit deux homonymes en mars : les metteurs en scène Benjamin Lazar et Lazare présenteront Pantagruel pour le premier et Petits contes d'amour et d'obscurité pour le second, à quelques jours d'intervalle. Deux pièces à voir absolument mais pour des raisons différentes. Florence Barnola


"Gargantua, en son eage de quatre cens quatre vingtz quarante et quatre ans, engendra son filz Pantagruel de sa femme, nommée Badebec, fille du roy des Amaurotes en Utopie, laquelle mourut du mal d'enfant : car il estoit si merveilleusement grand et si lourd qu'il ne peut venir à lumière sans ainsi suffocquer sa mère.» Entendue ainsi la langue de François Rabelais, un français qui vient tout juste de s'émanciper du grec et du latin, paraît insoutenable. Mais que nenni ! Quand d'aventure on l'entend proférée par le très talentueux Olivier Martin-Salvan, cette langue devient alors mélodie, se fait universelle, nous faisant les contemporains de l'auteur du XVIe siècle. Pantagruel, Panurge et quelques autres encore : le comédien au physique d'ogre est capable d'endosser toute la démesure de ces personnages, restituant une brutalité joyeuse ainsi que toute la sensualité, l'humanisme et la gourmandise rabelaisienne.

Lève-toi et fais du théâtre !

D'humanisme et de sympathie, son homonyme Lazare n'en manque pas non plus. Un nom/prénom biblique - est-ce le sien ? - porté par cet homme de théâtre atypique dont l'univers sue la même poésie que l'art brut. Le parcours de Lazare est miraculeux. Il revient de loin. Il a grandi dans une cité de Bagneux, très vite il arrête l'école et n'apprendra à lire et à écrire que tardivement. Le miracle interviendra au sein de la Protection judiciaire de la jeunesse où il découvrira l'art dramatique. Par la suite, il deviendra ouvreur au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis dirigé alors par Nordey, écrira et mettra en scène trois pièces, puis entrera à l'École du TNB. Sorti en 2003, il créera sa compagnie Vita Nova. S'ensuiveront des spectacles très sensibles dont le si joliment beau Au pied du mur sans porte pour lequel les critiques seront dithyrambiques. Lazare est un artiste attachant, arborant toujours un grand sourire et souvent un chapeau, il est une sorte de Depardieu du théâtre : plein de poésie et de gouaille, de maladresse et de grande folie douce. Il s'entoure de fidèles, sa famille théâtrale venant d'horizons différents. Ces Petites contes d'amour et d'obscurité s'amusent encore à nous perdre tendrement dans les méandres du songe et de l'enfance, ou bien serait-ce la réalité ?

Pantagruel, mis en scène par Benjamin Lazar. Du 10 au 13 mars à 20 h à la Comédie de Saint-Etienne / Petits contes d'amour et d'obscurité, mis en scène par Lazare. Du 17 au 19 mars à 20 h à la Comédie de Saint-Etienne


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