Mon amour, ma chérie

Inséparables depuis leur rencontre à l'Institut des jeunes aveugles de Bamako en 1975, Amadou et Mariam sont devenus en une dizaine d'albums d'infatigables globe-trotters, ambassadeurs de l'Afrique de l'Ouest et chantres de l'amour entre les peuples. Ils seront en concert pour la première fois dans la région ce mois-ci. Propos recueillis par Niko Rodamel


Vous vous produisez un peu partout dans le monde essentiellement lors de festivals : qu'y a-t-il de particulier que l'on ne retrouve pas dans un simple concert ?
Amadou & Mariam : C'est complètement différent. Il y a beaucoup d'artistes et donc beaucoup de gens qui viennent écouter. Pour un festival le public est davantage mélangé, tout le monde peut venir, c'est beaucoup plus festif, tant pis si les gens ne viennent pas spécialement pour nous, on chante, on danse, on partage, on est ensemble.

Vous êtes devenus de vrais globe-trotters, vos voyages nourrissent-ils votre musique ?
Oui bien sûr, tous les voyages que l'on entreprend nous nourrissent car ils nous permettent de rencontrer d'autres publics et aussi d'autres musiciens. Nous sommes très attentifs aux musiques que nous entendons au cours de nos déplacements. Aujourd'hui tous les styles peuvent s'apporter de bonnes choses les uns aux autres et justement nous aimons bien les mélanges.

Nous sommes ouverts à toutes sortes de propositions mais nous ne pouvons pas travailler avec tout le monde

Un nouvel album est-il en prévision ?
Oui, nous avons déjà fait la maquette d'un nouvel album mais nous ne savons pas encore où nous allons l'enregistrer, peut-être à Paris, mais pas seulement car nos albums sont rarement enregistrés dans un seul et même endroit. Cela dépend aussi des musiciens que l'on va inviter à venir jouer.

Vous avez en effet pris l'habitude d'inviter beaucoup de monde sur vos albums…
Nous sommes ouverts à toutes sortes de propositions mais nous ne pouvons pas travailler avec tout le monde, quand bien même on le veuille ! Pour nos propres albums, c'est nous qui choisissons ! Nous avons déjà joué avec beaucoup de monde et partagé beaucoup de scènes à l'occasion, justement, de festivals. Nous avons aussi souvent enregistré avec d'autres artistes, parfois pour un seul morceau, parfois un peu plus. Nous aimons ça !

Vous avez participé à un nombre impressionnant de projets et vous êtes très fréquemment sollicités : n'êtes-vous jamais fatigués ?
(Rires) On essaie de se donner tous les jours du courage et la volonté pour pouvoir assumer notre chance, car c'est une chance dans la vie d'être autant demandés pour jouer partout dans le monde ou d'être sollicités comme ambassadeurs de grandes causes. Tout cela nous donne de la force car lorsque nous donnons beaucoup nous recevons également beaucoup.

Vous reposer ou vous ressourcer passe automatiquement par un séjour à Bamako ?
Oui, bien sûr, c'est important de revenir régulièrement chez nous, mais ce n'est pas forcément pour nous reposer car nous avons toujours beaucoup de choses à faire à Bamako ! Nous sommes par exemple très impliqués dans la fédération des artistes du Mali. Et puis il y a la famille…

Oui c'est vrai qu'il nous manque la lumière du jour, mais comme nous avons déjà vu, dans le temps, cela reste un souvenir.

Il est devenu risqué pour un Européen de s'aventurer dans certains pays d'Afrique : votre chanson Welcome to Mali est-elle donc toujours d'actualité ?
Nous traversons actuellement une période douloureuse, c'est sûr. Mais il faut garder l'espoir que les choses évoluent. Si les gens se parlent ça ira mieux et un jour le pays sera de nouveau tranquille. Nous avons un très beau pays !

Vous êtes devenus en quelques décennies des citoyens du monde reconnus, vous connaissez le succès sur presque toute la planète, vous avez reçu de belles récompenses pour vos derniers albums et on vous fait honneur partout où vous passez : à part la lumière du jour, que vous manque-t-il ?
(Rires) Oui c'est vrai qu'il nous manque la lumière du jour, mais comme nous avons déjà vu, dans le temps, cela reste un souvenir. Les aveugles de naissance n'ont pas notre chance, pour eux c'est un manque cruel. Nous, nous avons déjà vu la lumière, le soleil, les fleurs, les couleurs, on ne peut pas oublier ça et on peut encore imaginer. L'important c'est de partager tous ensemble. C'est le message d'amour que nous véhiculons dans beaucoup de nos chansons.

Vous êtes donc attendus le 20 juin à Saint-Chamond, cela signifie-t-il que vous allez donner d'autres concerts en France cet été ?
Nous avons peu de concerts en France pour les mois à venir, seulement trois cet été. Nous étions au Maroc au mois de mai et nous jouerons à Bruxelles à la fin du mois d'août.

Amadou, on vous retrouvera début juillet pour le festival Jazz à Vienne avec le groupe légendaire Les Ambassadeurs, pouvez-vous nous dire un mot sur ce groupe et sur ce revival ?
C'est un groupe qui a été formé par Salif Keita et Kanté Manfila il y a plus de quarante ans. Nous avons connu un grand succès dans les années soixante-dix, dans toute l'Afrique de l'Ouest et au-delà. Pour le concert de Vienne, je serai aux côtés de Salif et de Cheik TidianeSeck. Depuis, chacun a suivi son chemin mais c'est très plaisant de nous retrouver. Cette formation a été une vraie école pour nous car, bien avant le phénomène de la world music, le groupe mélangeait déjà la musique populaire mandingue avec des influences diverses comme le rock occidental. Il y avait un brassage très fertile.

Vous avez beaucoup d'amis à Paris et vous gardez un lien particulier avec la Bretagne depuis votre passage aux Transmusicales de Rennes, qu'espérez-vous trouver au centre la France ?
On a beaucoup d'affection pour la province. Même si nous n'avons pas de lien
particulier pour l'instant avec Saint-Étienne, nous sommes très contents d'aller jouer là-bas, cela nous fait très plaisir et nous savons qu'il y a des Maliens qui vivent dans la région. On va faire la fête !

Amadou et Mariam, le 20 juin à 22h45, parc Nelson Mandela à Saint-Chamond, dans le cadre du festival La Rue des Artistes


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