Pierre Lapointe : « J'incarne quelque chose d'assez unique »

Dandy pop québécois, situé au-delà de tout conformisme ou formatage, Pierre Lapointe est un artiste unique, populaire et esthète à la fois. Il distille depuis des pépites musicales qui ont fait de lui une véritable icône de la chanson francophone Outre-Atlantique et une valeur sûre en France. Il vient présenter "Paris Tristesse", son second projet seul au piano, ce vendredi à la salle Jeanne d'Arc dans le cadre de l'ouverture du festival Paroles & Musiques. Rencontre avec un gars à part. Propos recueillis par Nicolas Bros.


Vous enchaînez les A/R entre le Québec et la France.  Vous n'arrêtez jamais ?
Pierre Lapointe : Non c'est vrai, j'ai plusieurs projets télévisuels, The Voice version Québec (NDLR : La Voix ) et un show musical, sans compter les concerts et les tournées. Alors oui, en effet, je n'arrête pas, mais je ne m'en rends pas vraiment compte parce que je fais réellement ce que j'aime, en tout temps.

Paris Tristesse est un album pensé pour le marché français. Vous aviez sorti Punkt simplement un an avant...
Punkt est sorti en janvier 2014 et Paris tristesse en octobre de la même année. Au début, Paris Tristesse ne devait sortir qu'en France, effectivement, mais à la demande générale, il est sorti au Québec également et le premier concert de cette tournée au Québec aura lieu à Montréal mi-juin. Après la chronique matinale que j'animais pendant l'été 2014 sur France Inter, des portes se sont ouvertes du côté des maisons de disques et ce projet de reprise au piano de certains de mes titres en plus de reprises me tentait. Du coup, il s'est concrétisé.

Selon vous, le format piano-voix est-il le meilleur moyen d'approcher le public afin qu'il s'approprie cette dernière ?
Je ne sais pas. Le public a peut être l'impression d'avoir accès à l'essence même de mon travail. C'est la façon la plus épurée de le découvrir. Je ne pense pas qu'il y ait de meilleure façon de faire un show. Je m'arrange pour faire des spectacles vivants. Il y a quelque chose de très énergisant dans mes concerts, que je sois seul au piano dans un répertoire plus introspectif ou avec un spectacle tel que Punkt où je passe des chansons acoustiques à des chansons rock, de chansons très tristes à des chansons "très connes". Je m'arrange pour que le public reste éveillé et qu'il ne soit jamais certain d'être totalement là. Je me situe dans l'auto-dérision, je raconte des histoires assez bêtes, puis en une fraction de seconde on revient à l'introspection. Le public est souvent surpris, ils rient autant qu'ils pleurent et ceci est fait dans une sincérité déconcertante.

«Ce n'est pas parce que l'on est capable d'avoir des réflexions très lucides et tranchantes sur la vie, la mort ou l'amour que l'on est obligé d'être constamment dans cette énergie là»

Vos textes parfois provocants cachent une partie plus romantique de votre personnalité. C'est une manière également de faire réagir ?
Oui je veux faire réagir. Mais je trouve aussi que ce n'est pas parce que l'on est capable d'avoir des réflexions très lucides et tranchantes par rapport à la vie, la mort ou l'amour que l'on est obligé d'être constamment dans cette énergie là; d'être une espèce de stéréotype chiant. Au contraire, je suis quelqu'un de plutôt sympathique, qui aime beaucoup la vie. Je l'aime parce qu'elle m'est imposée et parce que je sais que la mort arrive à des moments où l'on ne l'attend pas.

Vous assumez complètement et sereinement votre dualité vous situant entre artiste populaire et pointu à la fois...
C'est exactement pour ça que les producteurs de La Voix sont venus me chercher. J'incarne quelque chose d'assez unique au Québec. Il y a cette espèce d'aura autour de moi, celle d'un poète un peu dandy. Ça me plaît. Je pense aussi que tout le monde peut aimer des choses plus exigeantes si c'est bien amené. On me contacte pour que j'apporte quelque chose de différent, d'exigeant dans une émission telle que La Voix. Maintenant les portes s'ouvrent toutes seules à force de répéter le même message. Ce que je trouve triste c'est que souvent certaines personnes snobent ces transversalités et moi je suis vraiment contre cela. Le snobisme découle d'une grande insécurité, d'une volonté de regarder les gens de haut. Cela ne m'intéresse pas, je suis assez solide, j'ai assez confiance en moi pour savoir que dans n'importe quel contexte je resterai toujours qui je suis.

«En France, un chanteur intello qui passe dans les Inrocks ne peut pas parler de Calogéro en disant que c'est bon. Chez nous c'est plus facile»

En France est-ce que votre relation avec le public a évolué ?
Oui, je pense que l'expérience France Inter m'a aidé et l'album Punkt a été un déclencheur. Il y a quelque chose qui s'est ouvert, du côté des médias notamment. En France, un chanteur intello qui passe dans les Inrocks ne peut pas parler de Calogéro en disant que c'est bon. Chez nous c'est plus facile. Il est normal que les choses aient pris du temps à se développer pour moi en France. Mais je joue dans des salles de cinq cent places, non pas dans les Zéniths. C'est à échelle humaine. En même temps pour ce que je fais et avec les équipes que je choisis, cette formule est plus intéressante. Depuis quelques temps, c'est un peu la carrière idéale pour moi de ce côté de l'Atlantique. Tant mieux, j'en profite !

Pierre Lapointe + Balmino, vendredi 5 juin à 20h30, salle Jeanne d'Arc, dans le cadre du festival Paroles & Musiques


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Un Moi(s) de cinéma #6