Nuits incertaines


« Mais quand tout a disparu dans la nuit, « tout a disparu » apparaît. C'est l'autre nuit. La nuit est apparition du « tout a disparu ». Elle est ce qui est pressenti quand les rêves remplacent le sommeil, quand les morts passent au fond de la nuit, quand le fond de la nuit apparaît en ceux qui ont disparu » écrit Maurice Blanchot. Ce dehors, cette « autre nuit » de l'écrivain, semblent particulièrement résonner avec les tableaux de Damien Cadio (né en 1975 à Mont-Saint-Aignan). Des formes pâles y sourdent de fonds obscurs, détachées de tout contexte, flottant comme des fantômes devant notre regard un peu angoissé. Ce sont des mains, des visages livides ou bien masqués, des lueurs comme des tâches de couleurs évanescentes, des crânes, des animaux, des fleurs, des anonymes dans des situations indéterminées... Toutes ces apparitions, qui semblent flotter entre deux mondes, sont issues d'images récoltées par l'artiste sur Internet. Des images les plus banales possibles que Cadio fait basculer avec beaucoup de talent dans l'inquiétante étrangeté. « J'ai commencé la peinture en fanfare, avec des formats immenses, peints au sang, à la pisse, très violents. J'ai ensuite passé des années à mettre cette barbarie sous le tapis, à la dominer. Je pense qu'elle est toujours là, mais qu'elle a fusionné avec une forme de tendresse - qui n'est pas son contraire - la rendant approchable, la désolidarisant de la violence concrète du flux visuel actuel. » déclarait l'artiste dans un entretien en 2011. Paradoxalement, en piochant dans une imagerie triviale et en usant de moyens « classiques » (la peinture), Damien Cadio parvient à rendre aux choses et aux images toute leur incertitude. Jean-Emmanuel Denave

Damien Cadio, « Murailles », jusqu'au 4 juillet à L'Assaut de la menuiserie

Légende photo : Damien Cadio, Tigermilk, 2011, huile sur toile, 150×200cm


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