Olivier Richard, éclairagiste indépendant : « La lumière c'est de la magie »

Autre profession indispensable au milieu artistique, l'éclairagiste donne vie aux spectacles, concerts en créant à l'aide de sa palette de projecteurs, une atmosphère lumineuse totalement adaptée à la représentation. Portrait d'Olivier Richard, éclairagiste indépendant. Propos recueillis par Marlène Thomas


Quel parcours professionnel avez-vous suivi ?
Olivier Richard :
J'ai 48 ans et j'ai commencé de façon autodidacte. Je fais partie de la dernière génération ayant appris sur le tas... Aujourd'hui, les jeunes sortent quasiment tous d'une école, les normes et les machines étant de plus en plus complexes. J'ai intégré ce métier par hasard en rencontrant, lors de mon service civil chez RCF, Philippe Servant qui s'occupait de la maintenance de la radio. J'ai débuté comme électricien de théâtre ou "monteur". Puis, j'ai travaillé pendant douze ans à la salle Jeanne d'Arc en tant qu'intermittent. Je me suis notamment occupé des concerts de Paroles et Musiques en régie lumière et j'ai été assistant en régie générale. Cette expérience m'a permis d'avoir du recul sur les différentes professions du milieu. Je suivais aussi, en parallèle, des petites compagnies et trois groupes locaux : La Rouille, Les Zourilles et un autre groupe de ragga. Aujourd'hui, je travaille "en indépendant", essentiellement pour le spectacle vivant. Je suis en collaboration avec les compagnies Carnages, Halte, Nosferatu et Les Ballets Contemporains de Saint-Étienne de Mireille Barlet. Ce qui m'intéresse dans ce métier ce n'est pas la technique, c'est la lumière. Je suis amoureux de la lumière. Pour moi, mettre en lumière, c'est comme faire une caresse sur les décors, sur la scène, sur les corps... La lumière c'est de la magie. 

Comment avez-vous pris le virage du numérique ?
Ma carrière est assez atypique puisque j'ai raté l'évolution technologique des machines. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai arrêté de travailler sur des concerts, je n'étais plus au point. Aujourd'hui nous avons l'éclairage dit ‟numérique‟ c'est-à-dire les projecteurs robotisés, les leds, les faisceaux lumineux - que je n'apprécie guère d'ailleurs - et l'éclairage plus traditionnel que nous continuons à utiliser. Je me sers tout de même des commandes par ordinateur et des leds. Travaillant essentiellement avec de petites compagnies se produisant dans de petites salles, des écoles ayant des prises de courant à faible ampérage, les leds permettent de jouer n'importe où, elles n'ont pas besoin d'un fort courant électrique. De plus, ce type de lumière a beaucoup évolué et permet aujourd'hui de réaliser des créations lumineuses variées se rapprochant beaucoup des projecteurs. J'apprécie de pouvoir être autonome, avec une petite réserve de matériels, un fourgon pour le transporter. Ainsi je réalise tout par moi-même. C'est une formule intéressante pour les petites compagnies ayant de moins en moins de moyens. Pouvoir sortir du théâtre et jouer hors-cadre est quelque chose qui me plaît également particulièrement. Récemment je me suis occupé de la lumière d'une pièce de théâtre, Apparence, que nous avons produite au sein même d'une salle de classe. Ce qui est fascinant, c'est de voir le changement de comportement des spectateurs dès que les lumières prennent vie. L'environnement est transformé et l'ambiance change radicalement

« Je travaille en collaboration avec le metteur en scène » 

Quelles sont les différentes étapes de la création lumière d'un spectacle ?
Dans un premier temps, je lis le scénario. Parfois, je ne le consulte pas volontairement afin d'en faire abstraction et pouvoir me concentrer sur l'énergie des comédiens, la mise en scène, la scénographie, les décors. Je travaille en collaboration avec le metteur en scène. Certains utilisent des termes techniques comme les "douches", les "contres" alors que d'autres parlent plus en terme de ressentis, d'atmosphères. J'aime beaucoup cet aspect de mon travail. Malheureusement, lorsque certains sont plus dirigistes, cela est beaucoup moins intéressant.
Après cette phase d'observation, je commence à créer un plan lumière sur papier. Ce plan n'est bien sûr pas fixe, à l'instar des premières idées d'un metteur en scène. Nous passons ensuite en phase d'installation, puis de réglage. C'est à ce moment-là que le plan lumière, écrit en amont, peut évoluer. Toutes les commandes sont ensuite enregistrées informatiquement et le soir du spectacle, le régisseur lumière n'a plus qu'à les lancer. Ce dernier, contrairement à l'éclairagiste, ne fait pas de création, il s'occupe du matériel. Il détient tous les réglages, connaît le spectacle par coeur et s'assure de son bon déroulé. Un éclairagiste, souvent, endosse plusieurs rôles : régisseur, créateur et monteur. Il m'arrive également de faire de l'accueil dans des structures, cela permet de "se vider la tête". 

Comment se passent les collaborations avec les compagnies, les artistes ?
Ce que j'aime avec les petites compagnies, c'est que tout le monde est solidaire. Si, nous nous plantons, nous nous plantons ensemble. Tandis que dans les grosses productions, dont je me suis éloigné, il n'y a aucune solidarité et au moindre problème, tout retombe sur le régisseur à qui la production demande de tout gérer : le son, la lumière, la vidéo, la machinerie... Ce sont des métiers à part entière ! Je sais régler un micro, un retour, j'ai quelques connaissances mais ce n'est pas mon domaine. En outre, j'apprécie énormément de travailler en compagnie de jeunes artistes qui commencent à se structurer, car leur langage est différent. 

Avez-vous des projets ?
Oui, j'ai pour projet de collaborer avec Yes High Tech mais cela est encore en discussion. Je souhaite également développer le travail avec les petites compagnies. Le problème est que ces dernières ont de moins en moins de moyens financiers. De ce fait certaines semaines de répétitions ne sont pas rémunérées. C'est de l'investissement personnel. Je fais cela depuis environ trois ans, j'espère tout de même que cela portera ses fruits. 


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