Quelle(s) Histoire(s) !

Le futur ne peut se conjuguer que s'il y a un temps présent. Et ce présent, tout insaisissable qu'il soit, nous impose de regarder vers le passé pour mieux le comprendre. Heureusement que le cinéma nous permet de revenir à l'envi au-delà d'hier et d'avant-hier… VR


Se sont-ils donnés le mot, tous ces réalisateurs du monde entier qui nous invitent à nous pencher par-dessus leur épaule en ce mois d'octobre ? Ou bien sont-ils simplement perméables à un air du temps propice à l'examen de notre histoire — immédiate — commune ? Commémorations diverses, retour subi d'un refoulé politique, simple désir d'éclairer notre lanterne de citoyens oublieux… Quelle que soit la raison, le moteur intime de leur entreprise artistique, le film qui en découle agit comme une piqûre de rappel. Si les effets secondaires sont éminemment variables, dépendant de l'interaction entre l'objet cinématographique et le ressenti de chaque spectateur, au moins l'œuvre peut-elle contribuer à secouer certaines consciences de leur torpeur…

Un siècle de barbaries

On commencera par une boucherie, celle de la Première guerre mondiale, à travers Adama de Simon Rouby. Débutant comme un conte africain parsemé de magie et de soleil, cette histoire d'un gamin parti à la recherche de son grand-frère enrôlé par des recruteurs, nous mène au cœur des tranchées, dans le brouillard des attaques de gaz moutarde. Hélas, ce projet graphiquement ambitieux donne l'impression d'être aussi inachevé que son fil narratif : en voulant embrasser trop de styles, trop de genres, et toucher trop de publics, ce film d'animation multiplie les concessions et s'égare en chemin. Même Oxmo Puccino, qui figure parmi les voix et interprète le thème final, semble frappé d'asthénie (21/10). Plus intéressant, malgré son classicisme, la nouvelle incursion du réalisateur de La Chute (2005), Oliver Hirschbiegel, dans la mécanique nazie avec Elser un héros ordinaire, biopic d'un des nombreux auteurs d'attentats manqués contre Hitler. La particularité d'Elser ? Outre sa situation familiale « compliquée », c'est un individu lambda, simplement révulsé par l'inhumanité grandissante du régime et la passivité bêlante de ses contemporains. Mais son opiniâtreté est telle qu'il conçoit un projet si élaboré qu'il semble digne d'un réseau de résistants ; les nazis lui feront payer cher son génie (21/10). On change de continent avec Le Bouton de Nacre, dont les premières images surprennent. Patricio Guzmán serait-il devenu contemplatif, célébrant les splendeurs minérales de la planète, filmant le bleu les glaciers du sud de la Patagonie comme le premier Arthus-Bertand venu ? En aurait-il fini avec le récit de ses années Allende et de la dictature Pinochet ? Pas du tout : après ce prologue, le documentariste glisse insensiblement du portait géographique au portrait historique du Chili. Il raconte comment les peuples premiers ont été conquis, asservis, exterminés, et dévoile la méthode utilisée par le régime fasciste pour éliminer des corps. Une leçon d'anthropologie et de géopolitique (28/10). Également sur les écrans, deux documentaires : L'Image manquante de Rithy Panh (21/10) et Une jeunesse allemande de Jean-Gabriel Périot consacré à la Bande à Baader (14/10).


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Octobre : Familles, je vous filme !