Blackalicious, hip-hop à la lettre


La politesse commande que l'on tourne sept fois sa langue dans sa bouche avant de s'exprimer. Thimothy Parker, The Gift of Gab de son nom de scène, doit faire accomplir à la sienne au moins deux fois plus de rotations. Pas tellement pour réfléchir à la pertinence et à la tenue mélodique de ses rimes – encore qu'elles sont en ces matières des plus exemplaires. Plutôt pour l'échauffer, comme un minigun effectue quelques tours à vide avant de défourailler à 4000 cartouches par minute. Question cadence de tir, ce natif de Sacramento compte en effet parmi les plus rapides gâchettes vocales de la West Coast, et ses exploits sont de ceux dont on fait des chansons pour (grands) enfants.

En l'occurrence Alphabet Aerobics, comptine lexicale à rapidité croissante qu'on enseigne jusque dans les pensionnats pour jeunes sorciers – Daniel Radcliffe l'a impeccablement récitée pour le Tonight Show, CQFD. Ce morceau, s'il est le plus célèbre de Blackalicious, le duo qu'il forme depuis plus de vingt ans avec le beatmaker Chief Xcel, n'est pour autant pas le plus représentatif.

Car chez Blackalicious, le rap n'est pas un simple exercice de style : il est un geste d'intégrité, fut-elle émotionnelle – à l'instar de ceux d'A Tribe Called Quest, ses albums témoignent d'une vraie sensibilité soul – ou musicale – comme chez les Roots, ils pulsent de la chaleur de "vrais" instruments. La démarche n'est pas sans péril, les deux compères n'ayant jamais renoué avec la classe et le toupet de leur premier album Nia. Mais elle est la seule qui vaille. BM

Blackalicious + Mondogift + Tupan, vendredi 9 octobre, Le Fil


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