Le saut de "l'Ange"

Cantatrice compulsive, jalouse, plongée dans les tourments politiques, le rôle de Floria Tosca aurait pu être remisé au rayon des intrigues perfectibles et improbables. L'opéra du thaumaturge Puccini éclipsera très vite au regard de l'histoire, le show case sur-joué et conçu pour le mythe vivant que fut Sarah Bernhardt. Alain Koenig


« Un drame qui a été joué trois mille fois a toujours raison contre ceux qui ne l'aiment pas ». Ainsi Victorien Sardou, auteur dramatique, défendait-il sa Tosca, lorsqu'en 1903, André Messager qui avait adoré la création parisienne de l'ouvrage de Puccini, risquait l'outrecuidance de souligner la faiblesse de son intrigue originelle : Rome est sous domination napoléonienne. Scarpia, chef de la police, tyrannique et libidineux, tente d'éradiquer toute résistance à l'envahisseur. Pour son malheur, la grande cantatrice Floria Tosca a pour amant le peintre Mario Cavaradossi, qui vient d'aider le résistant Angelotti à se cacher dans un puits. Tosca entendant les cris désespérés de Mario, arrêté et torturé par Scarpia, révèle la cachette du résistant. Elle négocie un sauf-conduit pour fuir avec son amant, après un simulacre d'exécution, auquel, pour sauver les apparences, Scarpia dit tenir. Las ! Elle comprend que le prix de la transaction n'est autre qu'une faveur sexuelle. Elle lui donne, pour toute étreinte, le fameux " baiser de Tosca ", un coup de poignard dans le cœur ! Plus tard, le peloton d'exécution se prépare à tirer les balles censées être à blanc, mais Mario s'effondre dans une marre de sang. Tosca horrifiée, comprend enfin, et se jette dans le vide.

Le magicien de Lucca

Qui d'autre que Giacomo Puccini aurait su transformer le plomb de ce drame survolté en or musical ? Richard Strauss peut-être ? Inégalé et bouleversant, érudit et populaire, élégant et sauvage, intellectuel et brutal, génial auteur de mélodies transcendant les classes sociales, le plus illustre des véristes impose le premier grand opéra moderne du 20ème siècle au Panthéon de l'art lyrique. Comme presque toujours avec Puccini, les rôles de premier plan forment une trinité... L'abject Baron Scarpia, devant déployer une puissance lyrique et scénique presque animales, sera campé par l'impressionnant baryton Peter Sidhom. Mario Cavaradossi, exploitant le registre sensible, mais aussi héroïque du ténor dramatique sera incarné par Thomas Bettinger. Tosca enfin, rôle très éprouvant est confié, en prise de rôle, à la soprano dramatique Vanessa Le Charlès. On peut aisément anticiper une direction racée, érudite et puissante de David Reiland. Comme toujours !

Tosca, du 6 au 10 novembre à l'Opéra de Saint-Étienne


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