JP Nataf : « Nous sommes devenus les amis que nous n'avions pas eu le temps d'être auparavant »

Désormais en duo, Les Innocents ont renoué avec la scène puis le studio en sortant un très bon nouvel album, "Mandarine", faisant oublier leurs quinze années d'absence sur disque. JP Nataf revient pour nous sur la genèse de ce come-back réussi. Propos recueillis par Nicolas Bros


Quand avez-vous décidé de relancer un projet d'album avec Les Innocents ?
Après 1999 et les deux/trois années d'éloignement avec Jean-Chri [ndlr : Jean-Christophe Urbain, autre moitié du duo], nous avons rapidement renoué amicalement. Nous nous sommes retrouvés assez tranquillement, en partant sur des bases différentes, sans les obligations liées au groupe. Nous sommes devenus les amis que nous n'avions pas eu le temps d'être auparavant. Nos vies nous ont rapprochés humainement mais aussi physiquement car nous sommes passés de cent cinquante kilomètres de distance à trois minutes à pied. À partir de 2007, on a commencé à reprendre les concerts ensemble. Nous avons toujours été très complémentaires et nous prenions du plaisir à jouer tous les deux. Jouer seul des titres des Innocents, ce n'est pas la même chose. Par exemple, jouer Un Homme Extraordinaire sans la voix de Jean-Chri ce n'est pas la même énergie, Un Autre Finistère sans la guitare de Jean-Chri ce n'est pas très drôle... De plus, le quatrième album des Innos n'avait jamais été joué sur scène puisque Jean-Chri était parti juste après sa sortie. Suite à ces concerts, nous nous sommes dits que nous voulions retourner dans le "laboratoire", afin de créer de nouvelles chansons et de voir si on pouvait encore séduire quinze ans après.

A-t-il été simple de recomposer ensemble ?
La phase de composition s'est passée tranquillement et la période de production fut très longue, comme d'habitude. Une fois de plus, nous avons mis la barre un peu haut. Nous voulions des chansons qui gardent la saveur des premiers jets guitares/voix. On a essayé de renouer avec le groupe mais nous nous sommes rendus compte que l'on avait vraiment envie d'être tous les deux. Ce n'est pas facile de tout faire à deux mais nous sommes contents du résultat. C'est un vrai cinquième album, pas un disque prétexte à une reformation.

Vous avez enregistré cet album dans votre quartier de Ménilmontant, notamment au studio Le Garage. Pourquoi ce choix ?
Au départ, j'avais envie que l'on enregistre « au vert » mais Jean-Chri aime que la musique s'inscrive dans le quotidien. D'un côté pratique, travailler à côté de chez nous, nous a laissé une année pour travailler l'album en studio, pas tous les jours non plus mais c'était plus simple de faire une pause et d'y revenir. Une autre raison est le fait que Dominique Ledudal, notre réalisateur artistique depuis trente ans, travaille là-bas. Il était donc assez logique d'enregistrer au Garage.

Pourquoi ce titre d'album : Mandarine ?
Nous n'avions pas envie d'un titre qui date trop l'album ou qui raconte quelque chose des retrouvailles ou de la maturité... Ce n'est pas non plus un disque de « faux jeunes ». C'est un disque « pop ». Nous ne sommes pas partis dans un état d'esprit différent par rapport aux quatre autres albums. La mandarine est un fruit un peu « pop », de couleur orange, acidulé, avec une texture, une saveur... C'est un peu ce que l'on essaie de mettre dans nos chansons.

Pourquoi avoir continué à écrire en Français malgré une incursion en Anglais avec le titre Erretgia. Êtes-vous attaché à la langue française ?
Erretgia était une commande pour un film. Nous voulions adapter le titre en Français pour l'album mais une fois que l'on a composé en Anglais, il est difficile de transcrire en Français. C'est donc une parenthèse. Concernant le Français, c'est la langue qui est attachée à moi plutôt que moi à elle. C'est la langue que je parle, dans laquelle je rêve, avec laquelle je me lève et me couche... J'ai fait une profession de foi quand j'avais 16 ou 17 ans d'être le plus honnête et sincère possible dans ce que je dis. Je fais attention à ce qu'il n'y ait pas de leçon dans une chanson. Je n'ai pas l'impression d'avoir quelque chose de plus intéressant à dire que n'importe quelle autre personne sur cette planète. Le chanteur qui est en moi est très exigeant sur la place d'un mot, sur sa force d'expression, l'image véhiculée et au sens. J'ai mis du temps à trouver une langue que je maîtrise. Même à l'époque de l'Autre Finistère, ce n'était pas encore le cas. À l'époque, nombre de nos chansons étaient pleines de sens, de double sens. Avec le temps, je me suis rendu compte qu'il est intéressant que sur deux ou trois phrases il y ait des mots qui soient les "stars". J'ai plus de facilité désormais à écrire « pop » et à répéter certaines phrases.

La tournée que vous avez entamée se déroule comment ?
Nous sommes tous les deux sur scène. J'ai majoritairement une guitare électrique et Jean-Chri une guitare acoustique. Et nous faisons déjà pas mal de barouf'... Pour le moment, on ne s'ennuie pas avec cette formule et je crois que le public non plus. Donc on n'a pas prévu de modifier cela. C'est une proposition forte d'entendre certaines chansons à deux guitares. Cela permet de voir comment elles ont été composées. Il y a quelque chose de la suggestion : pour une musique qui est très pop et arrangée sur disque, sans le décorum, elle n'apparaît pas pour autant pauvre. Nous avons travaillé une trentaine de chansons différentes pour cette formule duo, ce qui nous permet de ne jamais faire le même concert.

Les Innocents [+ Louis Ville], vendredi 13 novembre à 20h30 au Centre Culturel L'Opsis à Roche-la-Molière dans le cadre du Festival Les Oreilles en Pointe


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