Les Fatals Picards : « Le moule des maisons de disques ne nous correspondait pas  »

Après deux créations live en 2015 : un album (14.11.14) et un DVD, le groupe de rock humoristique Les Fatals Picards est en pleine élaboration de son huitième album studio. Avant de dévoiler ce nouvel opus en 2016, le groupe sera en concert au Fil, le 19 novembre prochain. Laurent Honel, guitariste du groupe, a accepté de répondre à nos questions en toute honnêteté et sans langue de bois. Propos recueillis par Marlène Thomas.


Vous avez récemment sorti un DVD live entièrement financé par le crowdfunding. Pourquoi avoir privilégié ce financement ?
Laurent Honel :
C'est parti d'un constat relativement simple, nous avions décidé de ne plus avoir de maison de disque. Nous sommes devenus indépendants, mais qui dit indépendants ne dit pas forcément riches. Pour réaliser un DVD de qualité, il fallait un certain budget que nous n'étions pas capables de fournir par nous-mêmes. Nous avons souvent été boudés par les médias, les radios, les TV, mais notre public, lui, nous a toujours été très fidèle. Finalement, c'était une bonne manière de proposer quelque chose qui impliquerait les seules personnes sur lesquelles nous avons toujours pu compter. Le moule des maisons de disques ne nous correspondait pas, nous étions déjà notre propre tourneur depuis des années. Notre façon de travailler est très indépendante et notre timing ne correspondait jamais au leur. Ce n'est pas un reproche, mais un constat d'incompatibilité. Être indépendant nous permet de tout gérer à 100 %, c'est plutôt agréable. Pour notre prochain album, il y aura un distributeur, mais pour la production, nous sommes en train de relancer une campagne de crowdfunding. Pour nous, c'est le système idéal. J'ai également découvert qu'avec ce financement, nous sommes dans une position où nous nous sentons encore plus redevables vis-à-vis du public.

Vous avez pour projet de sortir un nouvel album en 2016. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur son contenu ?
Il devrait sortir entre avril, mai et juin, mais nous n'avons pas encore de date arrêtée. Le projet est encore en gestation. Disons que pour l'instant, ce qui se dessine est dans un esprit relativement rock. Quant aux sujets traités, ils sont un peu moins politiques et plus décalés. Il y aura sûrement aussi des sujets de société. Le fil rouge, chez les Fatals, c'est toujours le décalage et l'humour, c'est une constante chez nous et notre côté rock s'affirme de plus en plus avec les années. Nous avons la chance d'être un groupe qui marche avec sa propre identité, donc finalement les courants de mode, les obligations, nous n'en avons pas grand chose à faire. Pour le moment, nous n'avons pas défini de titre pour l'album. Nous allons commencer à en chercher un, mais cela dépendra certainement de son contenu. Le dernier album studio s'appelait Septième ciel, car c'était le septième au compteur et pas mal de chansons parlaient d'amour, de manière plus ou moins décalée. C'était donc légitime. Ce nouvel album s'appellera peut-être Les Fatals Picards contre les zombies, ou pas. (rires) 

Le batteur de votre groupe, Jean-Marc Sauvagnargues, s'apprête à sortir un album solo de chansons d'amour. Ne craignez-vous pas que cela brise votre image de groupe rebelle ?
Non justement, c'est aussi ça la "rebellitude". J'aime beaucoup la littérature et je dis toujours que de nos jours, lire des livres, c'est une manière d'être punk quelque part, car c'est nager à contre-courant. J'ai écrit trois chansons dans l'album de Jean-Marc et je trouve cela génial de pouvoir vivre son rêve à fond. Les Fatals revendiquent totalement cet éclectisme. Je trouve cela sain, nous sommes quatre individus avec chacun des projets de vie très différents et nous nous retrouvons au sein des Fatals. De toute façon, la crédibilité, nous ne l'avons jamais eue pour les magazines comme Les Inrocks, Rock &Folk et compagnie. Ils considèrent que nous n'avons pas le droit de faire de l'humour dans le rock …  Depuis quinze ans, nous avons donné plus de 1.200 concerts, les avis sont toujours constructifs, mais nous n'avons pas à prouver à qui que ce soit que nous faisons du rock, ou pas.

« Finalement les courants de mode, les obligations, nous n'en avons pas grand chose à faire »

Regrettez-vous votre participation à l'Eurovision en 2007 ?
Nous n'avons aucun regret. Au début, cela nous a permis d'être sous le feu des projecteurs, nous avons été invités à de nombreuses émissions de télévision, de radio que nous n'aurions jamais faites autrement. Pendant des années, le problème était que les personnes qui ne nous connaissaient pas avaient l'impression que nous n'avions fait que l'Eurovision, c'était le revers de la médaille. Mais cela a été globalement positif, plus les années passent, plus nous sommes fiers de l'avoir vécu. Cela a été une bonne expérience que peu d'artistes ont eu l'occasion de connaître. Pour un musicien, vivre l'Eurovision est très spécial, l'émission est vraiment organisée comme une compétition olympique.

A quoi doit s'attendre un spectateur qui n'est jamais venu à un de vos concerts ?
Aucune mise en scène n'est effectuée. Au niveau des éclairages, nous travaillons un minimum, c'est un vrai spectacle, nous ne prenons pas les choses à la légère. Mais, nous faisons de l'humour, donc cela suppose de l'interactivité, de la réactivité. L'énergie des chansons et le dialogue avec le public prévalent. Musicalement, nous avons tendance à jouer des morceaux des trois, quatre derniers albums. Le concert se divise en trois temps, un premier avec des chansons plutôt rock, puis, un passage acoustique qui nous permet de proposer des chansons plus calmes, comme Mon père était tellement de gauche et pour finir, une partie un peu plus énervée avec des chansons plus rock. Nous avons la chance, malgré une faible exposition médiatique, de bien remplir les salles. En quinze ans de carrière, j'apprécie toujours autant d'être sur scène et de jouer de la guitare. Même les moments pathétiques, quand nous nous retrouvons par exemple dans une station service pour la énième fois à nous demander quel sandwich triangle va égayer notre repas ou si la machine à café sera dégueulasse, infecte ou juste imbuvable, nous font plaisir en fait.

Quel souvenir gardez-vous de votre dernier concert à Saint-Etienne ?
Nous aimons beaucoup la salle du Fil : nous y sommes bien reçus et nous y mangeons bien ! Le public, je n'aime pas dire qu'il est meilleur qu'ailleurs, mais nous n'avons que de bons souvenirs avec lui. Ce que j'aime bien aussi, c'est l'after que nous faisons dans le bar. Nous pouvons toujours y passer du temps, ce n'est pas le genre de salle où le public est expulsé juste à la sortie du concert. C'est un principe chez nous, nous faisons des dédicaces depuis le début. Cela participe à l'esprit des Fatals. Ce qu'on trouve enrichissant, sans démagogie aucune, c'est dialoguer et partager. En fait, je pense que nous ferions des hommes politiques pas si mauvais que cela parce que nous finissons par avoir une bonne connaissance de la France, à force de fréquenter des riches, des pauvres, des gens de droite, des gens de gauche, des ouvriers, des profs, des punks, des sportifs, des flics, des voyous et des étudiantes (rires). Le Fil fait partie des salles, comme Le Transbordeur à Lyon, que nous apprécions bien. Et puis, Saint-Étienne est quand même la patrie de Bernard Lavilliers !

Les Fatals Picards, jeudi 19 novembre à 20h30, au Fil 


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