Sanson et sans reproche

Retour sur le concert que donnait Véronique Sanson le 5 novembre au Zénith de Saint-Étienne…


Le programme annoncé, Les années américaines, n'était finalement qu'un prétexte. Peut-être était-ce pour coller à la récente biographie de la chanteuse et ressortir des archives quelques très belles photos de l'époque piano blanc, pattes d'éph' et couronne à fleurs ? Ou tout simplement pour faire référence à un temps où Sanson brillait tel un soleil rageur sur la chanson francophone ? En effet, la chanteuse est finalement revenue sur presque tout son répertoire, pas seulement sur les trois albums américains, Le Maudit, Vancouver et Hollywood. Les plus grands hits de l'artiste et quelques raretés ont été interprétés lors d'un show de près de deux heures et demie, à grand renfort de lumières tous azimuts et de généreux décibels. Sur cette nouvelle tournée, Sanson est soutenue par deux choristes et accompagnée par huit musiciens, dont quelques vieux briscards comme Basile Leroux à la guitare, Dominique Bertram à la basse et, trônant au milieu d'une belle triplette cuivrée, le trompettiste étasunien Steve Madaio. Avec le temps, Véronique n'a pas perdu grand chose de sa présence scénique. Certes la voix n'atteint plus tout à fait les sommets d'antan, mais la puissance est là et le vibrato, reconnaissable entre tous, toujours en suspension à la fin de chaque vers.

Des mots sur les maux

Chez la pianiste, l'envie de partager semble toujours sincère et c'est sans nul doute bien là l'essentiel. Dans l'immensité d'un Zénith rempli aux trois quarts, Sanson a su toucher, une fois encore, son indéfectible public. Passant la grande majorité des chansons au clavier, elle aime aussi se balader sur les différents niveaux du décor parmi ses compagnons de route et s'autorisera même un ou deux titres à la guitare électrique. La soirée sera ponctuée de quelques moments plus calmes, en duo ou en trio autour du piano, une intimité vocale qui souligne d'encore plus près la profondeur des textes. Il y a ceux qui se mettent dans la peau de personnages pour écrire des chansons et, à travers elles, raconter des histoires qui ne sont pas les leurs. Véronique Sanson n'est pas de ceux-là : qu'elle chante ses propres textes ou ceux de Michel Berger, c'est un peu le fil de sa vie qui défile couplet après couplet, mettant si habilement des mots sur les maux.

La blondinette qui mettait le feu aux planches

La chanteuse explique ironiquement qu'il lui a elle-même fallu trente ans pour comprendre le sens de certaines de ses chansons ! Peu avare d'anecdotes, Véronique a la tchatche facile, mais derrière son côté clown et son sens de l'auto-dérision, on devine la présence d'un gouffre, d'un-trop-plein-de-vide, d'un abysse qui tente en vain de se remplir car, on le sait bien, colmater une brèche peut parfois prendre une vie. Après quelques dérapages déjà pardonnés, on cherche, sous les traits de cette femme de soixante-cinq ans, ceux de la blondinette qui mettait le feu aux planches partout où elle se produisait. Car aujourd'hui, entre sourire et gravité, chaque ride de son visage semble décrire un chemin parcouru, parfois le bon, parfois le mauvais, les amours, les vapeurs d'alcool, la fuite aux États-Unis, la distance, les regrets, la passion assumée, comme une braise silencieuse qui ne veut pas s'éteindre. Mais Sanson est toujours là et bien là, dans son blouson de cuir noir à franges, derrière son piano, donnant tout ce qu'elle a d'énergie à son public, comme une belle leçon de vie.
Ceux qui regrettent peut-être de ne pas avoir été présents au concert stéphanois de Véronique Sanson auront une seconde chance de l'applaudir, le 18 décembre, au Scarabée de Roanne.

Niko Rodamel


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