Le Voyage d'Arlo

Après avoir conquis les esprits et les cœurs au printemps grâce à Vice-Versa, le studio Pixar sort son second film de l'année. Est-ce une si bonne nouvelle que cela ?


Comme il y a des années à treize lunes, 2015 aura donc été celle aux deux Pixar. Mais le calendrier se révèle aussi implacable que trompeur : sorti après Vice-Versa, Le Voyage d'Arlo aurait dû le précéder d'un an, si son réalisateur initial Bob Peterson n'avait pas été remercié et si, surtout, le projet avait été plus solide. Malgré, les changements d'équipes, les remaniements de scénario ; malgré, enfin la garantie de qualité théorique que constitue le label Pixar, c'est un film malade qui nous est donné à voir. Aussi bancal et minuscule que le héros-titre au sortir de son œuf immense et prometteur.

Oh, la technique n'est pas en cause : la représentation des décors et de la nature frise la perfection… jusque dans ses imperfections ; quant à la relative laideur des personnages (ou, à tout le moins, leur graphisme sommaire, digne d'un patatoïde de classe maternelle), elle semble destinée à rappeler au spectateur qu'il se trouve bien devant un univers factice, un simulacre de monde, et non des prises de vues réelles. Le plus désolant en effet, c'est le manque de fluidité dans une narration faite de soubresauts et d'entrechocs ; l'extrême prévisibilité de ce Voyage initiatique, dépourvu d'imprévu et à l'issue convenue.

Dino bizuthé

Pourtant, il y avait matière… Car toute l'histoire repose sur un postulat astronomico-uchronique astucieux : au lieu de s'écraser dans la péninsule du Yucatán il y a 65 millions d'années, la fameuse comète responsable de l'extinction des dinosaures se contente ici de frôler la Terre. Par suite, les sauriens évoluent et coexistent avec les humains — ce qui tient davantage de l'extrapolation amusante que de la vraisemblance scientifique.

Au passage, voilà qui justifie les affiches montrant un enfant et un saurien, et rassure ceux qui pouvaient craindre que Pixar (ou la maison-mère Disney) se soit commis dans la promotion explicite du créationnisme. Enfin et surtout, l'initiation du petit dinosaure se fait dans la douleur, sans concession ni atténuation cosmétique de la violence du monde. Comme dans la vraie vie, le malingre Arlo est confronté à la mort, à la peur, à l'humiliation, aux coups… bref, à une telle avalanche de sentiments négatifs et d'avanies qu'on s'attend à ce qu'une assistante sociale exige son placement. Cette rudesse troublante, qu'aucune joie ou presque ne contrebalance, achève de plomber un film qui, paradoxalement, a l'air inachevé…

Le Voyage d'Arlo
De Peter Sohn (ÉU, 1h35) animation


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Yuval Pick : « On n'a pas besoin de créer davantage mais de réorganiser ce qui existe »