Barcella : « J'aime l'idée que les chansons reflètent nos vies »

Propos recueillis par Nicolas Bros


Comment qualifieriez-vous votre univers pour des personnes ne vous connaissant pas ?
Barcella : Les gens ont en général du mal à me ranger dans une catégorie et c'est une belle fierté pour moi. J'ai donc le sentiment que je possède une réelle identité. On peut dire évidemment que je suis dans le monde de la chanson. Après on peut dire que je tire mon côté atypique de mon éclectisme. J'aime autant aller piocher dans le style des chansons d'hier tout en « urbanisant » un peu le tout. C'est un micmac un peu intemporel. La qualité première de ce que j'essaie de proposer aux gens est incluse dans les textes, mon amour des mots et les histoires que je veux proposer. Je ne m'interdis rien musicalement.

Comment se déroule votre travail de composition ?
Je travaille d'abord entièrement seul, en guitare-chant. Ensuite j'essaie de faire aboutir mes idées de bases en matière d'arrangements. Puis je fais intervenir un réalisateur pour mettre au point l'album. Par exemple, j'ai fait deux albums avec Jeff Delort, qui a travaillé avec Higelin, Pauline Croze ou encore Tété. C'est avec lui que l'on va réellement habiller les chansons. Les arrangements sont collectifs mais la composition, je la fais seul. C'est assez drôle de dire « seul » car j'ai tendance à aller seul en montagne afin de trouver l'inspiration. Ça fait un peu poète maudit mais c'est absolument vrai. En général, j'aime bien m'isoler un peu. Mais on a la chance aussi, avec l'équipe, de voyager beaucoup, donc je puise mon inspiration des multiples rencontres que je peux faire au cours de ces tournées.

L'album Puzzle est sorti il y a un an et demi. Est-ce que le live a beaucoup évolué ?
Le spectacle a évolué. Nous avons tous peaufiné notre copie et incorporé de nouveaux morceaux, qui seront sur le prochain album. Chaque spectacle est unique de toute manière. C'est à chaque fois une manière « de danser » avec les personnes qui viennent nous voir. Chaque date est différente selon la sensibilité des gens qui composent le public. Si la salle est plutôt pudique au départ, on ira la chercher un peu plus, tout en restant dans un mode plutôt d'écoute. Si la salle est en demande de « piquant », on ira vers cela, si la salle veut bouger, on musclera notre jeu, et ainsi de suite. Je ne fixe pas mon spectacle à la lettre près. Il m'arrive de passer la moitié du concert dans les sièges (rires). Ca rejoint la question de notre univers, à mes musiciens et à moi-même. C'est surtout notre parcours de scène qui nous caractérise. Nous en sommes à peu près à sept cent concerts au compteur. Nous faisons du spectacle vivant. Un album est une occasion d'aller sur scène et de faire une tournée, aller vivre et vibrer avec des curieuses et curieux. J'aime ce terme de curiosité, car les personnes curieuses nous ont beaucoup aidés.

Ce qui est frappant dans votre musique, c'est ce dosage assez fin entre une musique parfois légère et entraînante et des thématiques textuelles plutôt dures et fortes. C'est un peu votre identité également d'arriver à faire ce mélange...
Effectivement, j'aime l'idée que les chansons reflètent nos vies. C'est pour cela que j'écris des chansons qui rient, des chansons qui pleurent et des chansons qui piquent... Je ne veux pas être seulement un chanteur léger ou nostalgique. Mes albums sont des carnets de route ou de bords qui marquent une époque, un temps donné. J'essaie de parler de ces grands sujets qui traversent nos vies. Ils resteront toujours les mêmes : le temps qui passe, l'amour, des sujets du quotidien.... C'est simplement le regard que l'on porte sur ces derniers qui évoluent. Sur La Boîte à Musiques, je chantais l'enfance comme quelqu'un qui n'était pas encore adulte. Sur Charabia, je chantais la nostalgie de l''enfance. Et sur Puzzle, je parle des enfants que j'aurai. J'ai commencé à l'âge de dix-huit ans, aujourd'hui j'en ai trente-quatre et cela fait plus de dix ans que je fais de la scène avec un public qui suit et qui évolue au même rythme que nous et on a même les petits de ce public, mais aussi des seniors. Ce mélange dans le public nous fait beaucoup de bien.

«Mon métier est exigeant mais pas pénible. C'est une nuance importante. J'ai beaucoup de chance de vivre de mes voyages et de mon imaginaire»

Est-ce simple d'exister aujourd'hui sur la scène dite « de chanson française » ?
C'est une question compliquée. Vivre de l'artistique et de son imaginaire sous-entend déjà de le nourrir et de ne pas se laisser mourir. Il faut continuer à voyager, rencontrer des gens et être une éponge émotionnelle. En cela ce n'est pas très facile. Cela dit, connaissant le contexte de notre pays et d'autres, je ne peux pas me plaindre. Mon métier est exigeant mais pas pénible. C'est une nuance importante. J'ai beaucoup de chance de vivre de mes voyages et de mon imaginaire. Cela reste un travail, en aucun cas des vacances, mais il n'y a pas de notion de pénibilité. Je viens de Champagne-Ardennes, là où j'ai passé le début de ma vie à ramasser du raisin. Ça c'était pénible et dur, de passer ses journées à genoux, dans la boue, avec les mains endolories tout en travaillant pour quelqu'un d'autre.

Pourriez-vous nous parler de votre spectacle Tournepouce destiné au jeune public ?
Ce projet est venu des ateliers d'écriture scolaires que je continue à faire régulièrement. J'avais vraiment envie d'écrire un conte musical. A la différence du Puzzle Tour, où l'on enchaîne morceau sur morceau, Tournepouce n'est pas un concert. Il y a huit chansons sur une heure avec de nombreuses interventions dans le public et des textes contés en prose. Pour résumer un peu le point de départ de cette histoire, Tournepouce est un jeune rêveur, orphelin, vivant dans sa fabrique à chapeaux au sommet d'une montagne. Il est chapelier d'une part parce que ces parents l'étaient également avant de disparaître mais aussi parce qu'avec ses chapeaux, il protège ses rêves. Un jour sur les bons conseils du Vent, il va devoir redescendre vivre au milieu des siens et des petits enfants « normaux »... Je n'en dirai pas plus excepté le fait que c'est un conte onirique, façonné par toutes les histoires m'ayant touché petit : Pierre et le Loup, Rémi sans famille, L'Histoire sans fin, ... Ce spectacle est un grand moment de partage avec les petits et il affiche très souvent complet. C'est en génral notre public plus âgé qui amène ses enfants voir Tournepouce. La boucle est bouclée (rires). C'est une autre sensibilité et une autre approche qui rend ce métier encore plus passionnant.

Barcella, jeudi 4 février 2016 à 20h30, Théâtre des Pénitents, dans le cadre des Poly'Sons


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