Marion Stalens : « Tous les artistes ont en eux une part de folie »

Après avoir été marraine de la 5ème édition du festival DesArts//DesCinés, la réalisatrice Marion Stalens, sœur de Juliette Binoche, revient à Saint-Étienne afin de présenter deux de ses documentaires : "Les acteurs singuliers" et "L'actrice et le danseur". Ces films sont des œuvres marquantes de sa filmographie tournant principalement autour de la thématique de la relation à l'autre. Une question plus que jamais d'actualité... Propos recueillis par Nicolas Bros.


Vous allez présenté deux films lors de votre venue à Saint-Étienne : Les acteurs singuliers et L'actrice et le danseur. Concernant le premier, vous vous êtes rapprochés d'acteurs handicapés pour réaliser ce documentaire ?
J'ai suivi pendant quelques mois une troupe de comédiens en situation de handicap psychique, c'est-à-dire des autistes, des schizophrènes, des gens ayant des pathologies de type trisomie... Ce sont tous des comédiens professionnels avec un réel talent, des artistes à part entière. Ce qui était passionnant, c'était de voir à quel point ils sont bons acteurs mais également, et surtout, de pouvoir capter leurs personnalités. Même si la maladie est présente, on peut sentir une parenté avec eux, puisque nous avons tous des failles même en étant « bien portants ». Nous avons tourné pendant six mois. Je les ai suivis dans le montage d'un spectacle d'après des poèmes d'Henri Michaud. Ils rendent la poésie accessible et vivante, une poésie qui nous bouleverse. Parallèlement, l'acteur et metteur en scène Olivier Brunhes les a fait parler à partir d'écrits que les comédiens ont eux-mêmes rédigés. J'ai souhaité que, d'une part on arrive à voir différemment ces acteurs mais également que l'on découvre à quel point ces comédiens peuvent être émouvants, drôles et intelligents, à leur façon. C'est une réflexion sur l'art et la folie. Finalement, presque tous les artistes ont en eux une part de folie.

Comment vous en êtes arrivée à travailler avec cette compagnie, Le Théâtre du Cristal ?
C'est une personne de France 2 qui m'a aiguillée vers cette compagnie. J'ai trouvé ces acteurs fascinants. C'est finalement un mélange entre mon parcours, car je suis née dans le milieu du théâtre, et la recommandation que cette personne m'a faite.

Concernant le deuxième film que vous présentez, c'est à propos de la rencontre entre votre sœur, Juliette Binoche, et le chorégraphe Akram Khan...
Concernant ce projet, c'est Juliette qui m'a sollicitée. Elle voulait garder une trace des répétitions. Ce qui me paraissait intéressant dans cette aventure réside toujours dans la même thématique : le rapport à l'autre. Ils sont très différents l'un de l'autre : une comédienne/un danseur, une femme/un homme, une Française/lui originaire du Bangladesh par ses parents... L'idée de ce documentaire est de montrer comment on arrive à créer ensemble lorsque l'on est aussi différents. Quel pont arrive-t-on à construire entre nous afin de trouver un langage commun. Le film raconte la naissance du spectacle et comment ils arrivent à trouver un imaginaire commun. C'est en même temps la thématique du spectacle en lui-même. C'est un peu l'effet « Vache-qui-rit »... Je me suis glissée comme une petite souris dans les répétitions jusqu'à la première et de capter les moments de doutes, les errements de la création... Le chemin qui mène à l'œuvre est aussi passionnant que l'œuvre en elle-même.

Vous avez travaillé avec de nombreux réalisateurs tels que Leos Carax, Michael Haneke, … en tant que photographe de plateau. Est-ce que ces expériences ont une influence sur votre œuvre ?
La photo de plateau m'a permis d'approcher les réalisateurs, les metteurs en scène et les acteurs. J'ai fait ce travail pendant une dizaine d'années. J'ai beaucoup appris en observant leurs manières de travailler. Mais j'avais une petite frustration car on reste dans l'œuvre d'un autre... J'avais envie de donner un sens à ma trajectoire et d'être plus utile. La réalisation de documentaire me permet d'atteindre cela. La leçon la plus importante que j'ai gardée de cette époque c'est de se faire confiance.

Quel sera le prochain documentaire que vous allez tourner ?
J'en suis déjà au montage. Ce sera un film à propos de la prostitution via Internet. C'est un sujet très complexe. On imagine souvent que ça concerne des femmes qui vivent dans le luxe mais ce sont d'autres réalités en fait, assez étonnantes. J'essaie de leur donner la parole. Je ne sais pas quand ce documentaire sortira.

Les acteurs singuliers et L'actrice et le danseur, jeudi 4 février à 20h30 au cinéma Le Méliès Saint-François, dans le cadre de la soirée Danse & Égalité organisée par DesArts//DesCinés


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