Jazz is not dead

En se métissant tous azimuts et en se réinventant sans cesse, le jazz a pris un coup de jeune et n'est plus cette musique élitiste que beaucoup dédaignaient sans en avoir vraiment écouté. En Rhône-Alpes, la singularité de son intendance collaborative lui permet de tenir bon face à une conjoncture difficile, dans la grande famille des musiques actuelles. Niko Rodamel


S'il a longtemps souffert d'une image réductrice, entre jazz-à-papa et musique d'intellos, le jazz a bien changé. Il s'est diversifié, il a voyagé et, du même coup, s'est popularisé. Avec la révolution du numérique, sa diffusion a été facilitée et l'on écoute désormais autant les jazzmen scandinaves que les Américains ou les Européens. Jamais la musique n'a circulé de manière aussi fluide, ignorant les frontières. Tout se mélange et tout fusionne dans la sono mondiale, le terme très européano-égocentré de world music étant devenu complètement obsolète : on est tous l'étranger de quelqu'un et tous les musiciens de la planète participent au même soundsystem ! Le monde s'est ouvert au jazz depuis que le jazz s'ouvre au monde et à toutes les influences : musiques savantes, musiques populaires et folklores de tous pays.

Quand le jazz est (bien) là

De jeunes musiciens, à l'image du collectif Snarky Puppy ou du trompettiste Ibrahim Maalouf, ont également rajeuni le genre en le rendant audible sur les grands médias, dynamitant toutes les castes et les étiquettes qui vont avec. En France, le jazz est entré dans les Salles de Musiques Actuelles aux côtés du rap ou du hip-hop, styles avec lesquels il n'a d'ailleurs plus peur de fricoter. Cependant, la note bleue n'échappe pas à la conjoncture économique qui voit la baisse progressive des dotations publiques, conduisant nombre de collectivités à faire le choix de coupes budgétaires dans le domaine culturel. A la baisse des budgets de fonctionnement des salles de spectacles s'associe bien évidemment une crise des aides à la culture, avec déjà de nombreuses conséquences sur les associations et les manifestations que celles-ci tiennent à bout de bras. L'année 2015 a été mortifère avec la disparition d'une centaine de festivals en France, sans compter la menace qui plane sur des théâtres, des conservatoires ou des orchestres prestigieux. Le jazz semble tirer son épingle du jeu grâce à un essor indéniable. A la source, sa représentation explose littéralement dans toutes les structures d'enseignement musical. Côté scène, le nombre de festivals de jazz, blues et musiques improvisées approche de la barre des cinq cents alors que l'on en comptait seulement cinq en 1975 ! Rien qu'à proximité de Saint-Étienne, nous pouvons citer Rhino Jazz(s), Jazz à Montbrison, Vaulx Jazz et le mastodonte Jazz à Vienne. Avec deux cent mille festivaliers l'an passé, ce géant se situe en bonne place dans le top-ten des manifestations culturelles françaises. Cette année, Jazz à Vienne proposera pas moins de deux cent concerts, du 28 juin au 15 juillet, avec chaque jour de la musique non-stop de midi à deux heures du matin.

Rhône-Alpes à la pointe

Réseau national fédérant lieux et projets dédiés aux musiques actuelles sur l'ensemble du territoire français, la FEDELIMA ne fait plus distinction entre le jazz, le rock, les musiques électroniques, le rap ou le hip-hop. En Rhône-Alpes, le jazz s'est avec le temps organisé à plusieurs niveaux, il s'est fédéré et en quelque sorte s'est administré pour mieux gérer ses moyens de production, de diffusion et de communication. Unique en France à l'échelle d'une région, JAZZ(s)RA est une plate-forme d'actions et de réflexion directement pilotée par ses acteurs, avec une représentativité des différents secteurs d'activités du jazz et des musiques improvisées en Rhône-Alpes : artistes et collectifs d'artistes, structures d'enseignement, structures de diffusion et enfin, structures de production et d'édition. JAZZ(s)RA se donne ainsi pour objectifs de soutenir les artistes et les projets régionaux, la création et la diffusion, la formation, l'émergence et la fidélisation de nouveaux publics tout en renforçant les échanges nationaux et internationaux. Autre spécificité rhônalpine qui a vu le jour en 2007, le webzine jazz-rhone-alpes.com mobilise chaque semaine une cinquantaine de passionnés, photographes, chroniqueurs et relecteurs pour livrer à plus de six mille abonnés une newsletter hebdomadaire contenant reportages sur les concerts de toute la région, cartes blanches, critiques de CD et agenda pour les mois à venir. Une initiative privée qui comble un vide médiatique et assure le lien entre des musiciens, les organisateurs de concerts et le public : toute l'actualité du jazz régional en quelques clics depuis déjà cinq cent quatre-vingt-dix-huit numéros.


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