Marc Védrine : « Très difficile de monter un projet metal et d'en vivre en France »

Après avoir longtemps été programmateur d'une salle dans le Nord de la France où de nombreux groupes de metal sont passés (notamment Loudblast et Black Bomb A), Marc Védrine est devenu chargé de mission Musique, Danse et Festival à la Ville de Saint-Étienne. En contact avec de nombreux groupes (amateurs ou pros) et structures (salles, bars, etc), il organise notamment la Fête de la Musique et possède donc un regard très direct sur la position de la scène metal à Saint-Étienne.


Comment se situe la scène metal ligérienne par rapport à d'autres en France ?
Marc Védrine : 
Il me semble que le metal n'est pas dans l'ADN stéphanois. Ca aurait peut-être pu l'être mais le metal ne fait pas partie des lignes de forces de la scène locale. Ces dernières sont plutôt liées à un historique punk-rock ou reggae, ... Tout cela malgré la présence d'un groupe phare tel que Benighted. Le Nord-Pas-de-Calais, par exemple, ma région natale, est un formidable vivier de groupes. Il n'y a rien de comparable en France. À la fois au niveau du public que du nombre de groupes amateurs et professionnels...

« Il me semble que le metal n'est pas dans l'ADN stéphanois. »

Benighted, n'est-ce pas une situation paradoxale pour eux ? Ils ne jouent pas souvent à Saint-Étienne et quand ils viennent, ils ne sont pas programmés dans des salles de grande jauge telles que le Zénith, alors qu'ils vont jouer dans le monde entier et sur des scènes impressionnantes...
Un groupe tel que Benighted n'a, à mon sens, pas la capacité de remplir un Zénith à Saint-Étienne. Il n'y a pas le public pour cela, à moins de se situer dans une optique de festival... Benighted, programmé seul à Saint-Étienne, n'a pas la même emprise que la Dub Inc par exemple, qui ratisse de manière beaucoup plus large. Ils labourent peut-être d'autres terres beaucoup plus fertiles pour eux que Saint-Étienne... Leur stratégie les regardent. Cela dit, ils sont quand même passés plusieurs fois au Fil. D'ailleurs, cette salle propose régulièrement du metal et il y a un public pour cela. Mais je pense que lorsque le Fil programme un concert metal, il touche un public qui vient aussi depuis Lyon, la Haute-Loire, etc... en plus des Stéphanois. Le metal n'est pas une esthétique avec un public massif localement. Lorsque je travaillais à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), j'avais programmé tout ce qu'il se faisait de groupes métal et à chaque fois, ça cartonnait.

Concernant la scène amateur, est-elle dynamique ?
Oui, il y a plusieurs groupes locaux qui se bougent et que nous avons pu par exemple faire jouer lors de la Fête de la Musique. Je pense notamment à Holy Cross (ndlr : qui va fêter ses dix ans d'existence au Clapier le 17 décembre). Il y a également plusieurs projets émergents qui essaient de tirer leur épingle du jeu, mais il est très difficile de monter un projet metal et d'en vivre en France.

« Dans les pratiques amateurs, il y a toute une nébuleuse de groupes qui s'investissent beaucoup »

Concernant les lieux de diffusion, il y a de nombreuses propositions. On pense forcément au Thunderbird, à la Tanière, au Clapier ou à des événements tels que le Metalfest, ...
Dans les pratiques amateurs, il y a toute une nébuleuse de groupes qui s'investissent beaucoup et qui montent des projets essayant de les faire vivre. Mais ce n'est pas l'apanage de Saint-Étienne. C'est partout pareil en France. L'esthétique metal au sens large, fait partie des pratiques amateurs parmi les plus importantes. Il y a de nombreuses personnes qui écoutent du metal et qui en font eux-mêmes. Des lieux comme le Thunderbird, la Tanière, le Clapier, ... remplissent pleinement une fonction qui est celle de donner la possibilité à ces groupes d'exister et proposer une programmation fouillée et diverse. Mais le problème principal pour ces groupes restent de trouver un modèle économique viable, ce qui apparaît réellement très difficile pour le metal. Il y a une tendance qui s'est mise en place depuis plusieurs années : les gros festivals, notamment à l'étranger, ont un casting avec de grosses têtes d'affiches, puis ils se mettent "à vendre" des places. C'est-à-dire qu'il faut payer pour jouer... Ce n'est pas simple. À Saint-Étienne, il me semble qu'il y a un bon nombre de groupes mais qui restent discrets. Je les invite d'ailleurs à venir me rencontrer ou à me contacter car il y a de la place pour eux dans les dispositifs de soutien et il existe de nombreux moyens pour défendre un projet musical. Mais le nerf de la guerre reste de pouvoir jouer. Il y a à Saint-Étienne plusieurs outils qui permettent cela mais tout le monde ne peut malheureusement pas jouer tout le temps et régulièrement...

Les groupes locaux sont invités à contacter Marc Védrine pour voir quel soutien ils peuvent obtenir de la part de la Ville dans le cadre des dispositifs existants et futurs : marc.vedrine@saint-etienne.fr


<< article précédent
Norma hors norme