Debouts les murs !

Indissociable de son groupe Aligator, Adbelwaheb Sefsaf poursuit son travail musical et théâtral à portée politique. Murs explore les frontières que les hommes ont construites dans un spectacle rythmé et vivant mais un peu trop didactique.


La compagnie d'Abdelwaheb Sefsaf porte bien son nom : Nomade in France. Le metteur en scène (mal)proprement viré de la direction du théâtre de Roanne en avril 2014, n'a de cesse de raconter les croisés et les croisades modernes, les déracinés d'aujourd'hui. Dans ce spectacle tout juste créé à Oyonnax et la Croix-Rousse de Lyon, il parcourt tous ces coins de la planète où les hommes, pour se dresser les uns contre les autres, ont érigé des murs, plus ou moins solides, en béton (Jérusalem) ou en sacs de sable (Nicosie à Chypre).

Pourtant, comme le dit cette création à son entame, en 1989 à Berlin il y a eu « l'unité retrouvée » mais « ce n'était qu'un leurre ». Désormais 40 000 km de murs cumulés entaillent le monde. C'est cela que Sefsaf et ses acolytes fidèles - les chanteurs-comédiens (et slameur parfois) Marion Guerrero, Toma Roche ainsi que le musiciens Georges Baux et Nestor Kéa – détaillent. Comme dans Médina Mérika où Orient et Occident se regardaient en chien de faïence via un couple détruit, il est ici question de dualité.

Lignes de fuite

Elle s'incarne par divers récits (des parents juifs et musulman se demandant quelles valeurs transmettre à leur enfant...), des chansons en français, arabe, espagnol, allemand même, mais aussi par des séances en mode conférence permettant de situer sur une carte géographique ces lieux de fractures accompagnés d'une liste de caractéristiques techniques, dont notamment leur coût. Cela démontrant l'absurdité de leur existence corrélée par le nombre de victimes qui s'y fracassent chaque année. C'est édifiant bien sûr, mais ça enraye la dynamique du spectacle de même que quelques jeux de mots inutiles (« investir une brique dans mon mur ») ou un trop-plein de références (lecture d'une lettre d'un condamné des camps). Dommage car tous les protagonistes tiennent parfaitement leur rôle. À trop vouloir tout dire, Murs se disperse avant de se rassembler in extremis dans une scène finale au son de l'orgue de barbarie dans une langue inventée et donc universelle.

Murs, à la Comédie de Saint-Étienne du 13 au 15 décembre


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