Trois femmes explosives

En incarnant sur la même scène trois femmes que tout oppose et que le destin réunit funestement dans un attentat, Rachida Brakni brouille les frontières entre les camps du Mal et du Bien. Un théâtre tout en nuances qui nous fait froid dans le dos.


Un cube et trois portes. Une seule actrice pour incarner trois femmes. Et les mots de Stefano Massini qui sonnent terriblement juste pour animer ce décor spartiate et nous projeter dans la tête, dans les tripes de ces trois femmes puissantes. Eden Golan est une professeure d'histoire juive. Elle a 50 ans et fait partie des milieux de la gauche israélienne. Shirin Akhras est une étudiante à l'Université de Gaza, palestinienne. Elle a 20 ans et cherche à devenir une martyre d'AlQassam. Mina Wilkinson est une militaire américaine. Elle a 40 ans. Elle fait partie des troupes américaines qui prêtent main forte à l'armée israélienne dans les opérations anti-terroristes.

Dans la peau d'une terroriste

Pour incarner avec la même justesse la passion brûlante de la jeune martyre palestinienne, la conscience fissurée par la peur de l'intellectuelle israélienne, et le cynisme effaré de la GI américaine, Arnaud Meunier a choisi la fougueuse Rachida Brakni. « Une personnalité forte et une femme engagée avec laquelle je partage les mêmes convictions politiques » justifie le metteur en scène qui tenait aussi à ce que le rôle soit interprété par une actrice issue de la diversité pour briser ce « schéma de l'imaginaire collectif qui assigne les rôles aux origines. » Le directeur de la Comédie de Saint-Etienne aime les causes difficiles et les sujets complexes, sûrement un point commun avec son auteur fétiche, Stefano Massini dont il s'approprie le troisième texte, après Chapitres de la chute qui racontait la saga des Lehman Brothers, et Femme non-rééducable, mémorandum théâtral ardent sur l'assassinat de la journaliste russe Anna Politkovskaïa.

Au-delà du conflit israélo-palestinien, Je crois en un seul dieu nous plonge dans une actualité brûlante : celle des attentats qui frappent à l'aveugle. Et nous met tour à tour dans la peau de la terroriste (jeune, candide, monstrueuse dans sa détermination mais si touchante dans sa quête de l'absolu, sa révolte contre l'humiliation subie par son peuple depuis des décennies), de la victime israélienne (tiraillée entre ses convictions pacifistes et la peur qui la projette irrémédiablement dans le camp des instincts primaires) et de l'observatrice américaine (symbole de notre occident sournoisement complice d'attiser ce brasier sans en mesurer ni assumer les conséquences). Un moment de théâtre dont on ne sort pas indemne. Amateurs de divertissement, passez votre chemin…

Je crois en un seul dieu, de Stefano Massini, ms Arnaud Meunier, avec Rachida Brakni, du du mardi 10 au vendredi 20 janvier à 20 h + samedi 14 janvier à 17 h (relâche dimanche 15) à la Comédie de Saint-Étienne + du 3 au 5 mai 2017 au Centre Culturel de La Ricamarie
 


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