Rodolphe Dogniaux

La Biennale 2017 trace les contours d'une vision d'avenir : à travers les mutations de la société et celles du travail, c'est aussi la mutation du design qui s'opère. Dans une perspective volontairement expérimentale,  il est question de passage d'un design d'objet vers un design d'usage. Nous avons rencontré Rodolphe Dogniaux, responsable du post-diplôme à l'École supérieure d'art et de design (ESADSE), commissaire et scénographe de l'exposition La gueule de l'emploi aux côtés de Marc Monjou.


Qu'est-ce que le CyDRe ?
CyDRe est l'acronyme qui désigne le Cycle Design Recherche, un troisième cycle qui s'adresse donc aux étudiants désireux d'approfondir leur formation après leur BAC+5 en s'orientant vers la recherche, jusqu'à l'obtention d'un Diplôme Supérieur de Recherche en Design ou d'un Doctorat Arts industriels. C'est une sorte d'incubateur qui accueille neuf étudiants-chercheurs, lesquels bénéficient d'une bourse de recherche, d'une résidence à la Cité du design, d'un espace de travail dédié et d'un accès privilégié à toutes les ressources de l'ESADSE et de la Cité du design.

Quel est le propos de l'exposition La gueule de l'emploi ?
Quels que soient les thèmes proposés lors des précédentes Biennales, de la téléportation à l'empathie en passant par les sens du beau, les expositions proposées par l'École supérieure d'art et design y ont toujours apporté un regard décalé, comme par exemple il y a deux ans avec Tu nais,  tuning,  tu meurs. Mais cette fois-ci, nous n'exposons pas des pièces que l'on fait venir à Saint-Étienne, les étudiants du post-diplôme ont au contraire tous produits par eux-mêmes. C'est donc un challenge bien plus complexe, mais tellement motivant ! L'expression « avoir (ou pas) la gueule de l'emploi » renvoie à la correspondance supposée de l'apparence et du métier. C'est un ping-pong entre la gueule de l'emploi, la gueule de l'employeur et la gueule de l'employé ! Les étudiants ont réfléchi à ce qui se joue autour de l'identité, de la présentation de soi, entre la pose, le masque et le jeu. On peut en effet s'amuser de la forme presque théâtrale que prend l'entretien d'embauche, dès le premier regard ou la première poignée de main.

Que pourra-t-on voir dans cette exposition ?
Charles Corthier et Anaïs Maillard ont par exemple créé de toutes pièces une très complexe table d'orientation censée nous guider vers le métier qui nous correspondrait, via quatre questionnaires (je peux, je veux, je ne veux pas, je ne connais pas) inspirés des tests d'orientation. Daria Ayvazova a créé une table de jeu nommée BullshitGame, en référence aux « jobs à la con » pour lesquels les travailleurs exploités doivent sans cesse négocier leurs conditions du travail avec le patronat. Cléa Di Fabio a quant à elle créé une série de stickers affichant les larges sourires réclamés par les employeurs, sourires souvent faussés qui cachent mal burn-out et autres pathologies. Lorie Bayen-el-Kaim et Laetitia Billot présentent le tableau de chasse d'un employeur par le prisme du rituel instinctif de la poignée de main,  avec six trophées retranscrivant chacun un type d'employé. Dans un même esprit canaille, Camille Lamy a imaginé une cabine d'entraînement à l'entretien d'embauche alors que Marie-Émilie Michel a pensé une série d'accessoires raffinés à porter pour marquer la mémoire du recruteur !

La gueule de l'emploi, dans le bâtiment des forces motrices, site Cité du design


<< article précédent
La Biennale design en chiffres