La Biennale au Corbu

Deux lieux emblématiques du Site Le Corbusier à Firminy accueillent pour la première fois une programmation IN de la Biennale Internationale Design : une étonnante et inédite double exposition y aborde le mouvement, le geste et le travail dans l'espace architecturé.


C'est en effet une première ! Deux villes étiquetées UNESCO, Saint-Etienne pour le design et Firminy pour l'architecture, se donnent la main à l'occasion de cette dixième Biennale. Saint-Etienne Métropole joue assurément la carte du territoire en invitant également à la fête les villes de Saint-Galmier et de Saint-Chamond… Pour rappel, l'UNESCO inscrivait l'an passé au patrimoine mondial dix-sept sites (répartis sur sept pays) de L'Œuvre architecturale de Le Corbusier, reconnaissant ainsi la contribution exceptionnelle de l'architecte-designer suisse au Mouvement Moderne. Firminy rejoignait ainsi Chandigarh en Inde, Tokyo au Japon, La Plata en Argentine ou encore Marseille, autant d'ensembles architecturaux réalisés sur un demi-siècle tout au long de ce que Le Corbusier nommait lui-même une « recherche patiente ». Au-delà de la protection et de la mise en valeur de son trésor, Firminy doit maintenant relever le défi d'un succès annoncé : répondre aux demandes croissantes du monde scolaire comme à celles du tourisme régional ou international. La double-exposition présentée jusqu'au 9 avril dans le cadre de la Biennale témoigne du rayonnement artistique que veut se donner un site exceptionnel, loin d'être uniquement tourné vers le passé.

Looping et double vrille

Plusieurs salles de la Maison de la Culture accueillent une performance-exposition qui met en dialogue deux regards, celui de la chorégraphe Julie Desprairies et celui du designer David Enon. Dans une volontaire hybridation des pratiques, les deux artistes développent ensemble des histoires de gestes, entre geste productif et geste créatif, une combinaison capable de changer la réalité. Looping évoque le travail et ses mutations au travers d'objets qui génèrent des gestes, qui à leur tour produisent des objets, dans un ping-pong perpétuel. Julie Desprairies et David Enon rapprochent leurs deux mondes autour d'une même obsession de nécessité : pratiquer l'économie de gestes et de matière, puiser dans ce qui est déjà là, afin de ne plus peupler le monde d'objets inutiles et de de danses superflues. Le spectateur est invité à observer mais aussi à expérimenter par lui-même au travers de nombreuses vidéos interactives qui l'invitent à revisiter l'espace architectural, entre geste répété lié au objets du quotidien et geste chorégraphique. Nous sommes par exemple invités à nous allonger sur des tapis pour répéter des chorégraphies de gestes projetées sur des écrans horizontaux, écrire des messages avec son corps face à un dispositif vidéo de reconnaissance de mouvements, ou encore faire des pâtés de sable à l'aide de moules représentant l'église Saint-Pierre ! A noter que durant toute la Biennale, le public pourra redécouvrir un bureau témoin des années soixante avec le célèbre mobilier de Pierre Guariche.

Routine quand tu nous tiens

A l'église Saint-Pierre cette fois-ci, l'exposition Rituals and Routines interroge le geste comme « mouvement du corps visant à exécuter quelque chose », par le prisme d'une trentaine d'œuvres modernes et contemporaines qui évoquent les gestes du travail, simples gestes de la vie, productifs ou non, transformant le réel ou répondant à un simple besoin. Le geste appris, répété, intériorisé, devient alors familier et naturel, à la façon d'un rituel, comme une routine. Évoquer un geste c'est évoquer le mouvement du corps, principalement le bras, la main et la tête. Volontaire ou un volontaire, révélant un état psychologique ou visant à exécuter quelque chose, le geste est bien souvent une action spontanée, bonne ou mauvaise, qui attire l'attention en société, jusqu'à parfois frapper les esprits. L'exposition interroge tour à tour les gestes primitifs techniques ou créateurs (ne ratez pas la magnifique photo de David Philippon Empreinte pariétale / Bilbao), les gestes productifs liés à l'agriculture puis à la révolution industrielle, jusqu'à l'éloge du travail. A travers une succession de photographies d'époques diverses, de sculptures, de tableaux, de vidéos et d'objets, le visiteur déambule du même coup au fil des différents espaces muséaux de l'église qui, à eux seuls, valent le déplacement. Asseyez-vous et prenez un instant pour visionner Le geste de l'architecte et du designer, un documentaire des plus intéressants produit tout spécialement pour la Biennale 2017. Cerise sur le gâteau, le Chœur Ondaine (sous la direction de Geneviève Dumas) reprendra Poèmes Etoilés, le 25 mars 2017 à 17h dans l'église Saint-Pierre, une création que le brillant compositeur stéphanois Pascal Descamps a ciselé sur mesure pour l'acoustique de ce lieu atypique. Immanquable !

Looping  (à la Maison de la Culture) et Rituals and Routines (à l'église Saint-Pierre), jusqu'au 9 avril 2017, tous les jours de 10h à 12h30 et de 13h30 à 18h


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Episode 1 - Les expos IN de la Biennale en vidéo