La Comédie de Saint-Etienne en ses nouveaux murs

70 ans après que Jean Dasté ait inventé cette Comédie de Saint-Étienne, fleuron du théâtre décentralisé, voilà qu'elle s'apprête à quitter son quartier populaire de Beaubrun pour renaître à côté du Fil et de la Cité du design.


C'est un chantier comme il y en a peu dans le domaine théâtral en France : si les réhabilitations sont monnaie courante (dans la région : le TNP il y a peu, le Cargo/MC2 à Grenoble précédemment...), la construction ex-nihilo est rare. Installée à Beaubrun depuis 1969, la salle aurait pu être rénovée mais les travaux de mise aux normes étaient trop importants. Voici donc qu'en septembre, la Comédie de Saint-Étienne ouvrira ses portes à la Plaine Achille juste à côté du Fil (la SMAC), du Zénith et à une rue de la Cité du design actuellement en pleine effervescence avec sa Biennale. Toutefois, dans ce quartier récent, ce bâtiment a déjà une histoire, celle de la société stéphanoise des constructions mécaniques (qui s'étendait alors jusqu'à la gare sur un terrain marécageux). Dans cette ancienne usine de fabrication de matériel pour les mineurs, des rails pour le transport de matériaux et des charpentes apparentes dont les chemins de ponts pour transporter des charges lourdes ont été immobilisées, subsistent encore.

Construit et agrandi au gré des besoins entre les guerres, ce site en briques présente des volumes impressionnants que les architectes du Studio Milou (concepteurs aussi du Nouveau Carreau du Temple, Cité de la mer de Cherbourg) ont souhaité conserver par endroit et accentuer par la trichromie des peintures : ocre, brun et blanc. Au cœur de cet ensemble, une immense allée, dans laquelle prennent place neuf box qui serviront à la librairie, le vestiaire, la billetterie, le bar... De part et d'autre, les salles et l'école de la Comédie qui, depuis 1982, est une des écoles nationales d'art dramatique incontournables (Vincent Dedienne, Laurent Brethome, le collectif X et tant d'autres en sortent) indubitablement tournée vers les écritures contemporaines. Elle disposera désormais de deux pièces de 100 m² donnant sur un jardin. Les élèves seront en prise directe avec ce que leurs aînés présenteront dans les salles voisines, à commencer par la grande, évidemment nommée Jean Dasté, le gendre de Jacques Copeau qui en 1946 a décidé, à l'invitation de la ville de Saint-Étienne, de s'installer ici, où il n'y avait pas de théâtre et d'emmener sa troupe itinérante sur les routes de la Loire, avant de se sédentariser dans la cité minière quelques années plus tard.

700 + 300 places

Cette salle, dont la taille du plateau (400 m²) et la capacité d'accueil du public (700 places sur des fauteuils bordeaux à venir) ne diffèrent pas du précédent site, possèdera une scène avec des coulisses de chaque côté, un équipement technique dernier cri et plus d'espace pour les spectateurs. Une autre salle, reliée à la première par un couloir d'équipements mutualisés de livraison de décor notamment, est totalement modulable et permet d'accueillir en frontal, bi-frontal et quadri-frontal jusqu'à 300 personnes. Enfin, une salle de répétition, aux dimensions exactes du grand plateau, a été créée.

Lors de notre visite en février, la ville-parc de l'extérieur ne se dessinait pas encore vraiment mais elle ne va pas tarder à devenir verdure sous la main de l'atelier d'Alexandre Chemetoff qui copilote l'île de Nantes. Quant à la signalétique rouge sang qui vient tout juste d'être apposée, elle rappelle celle de la Cité internationale de Lyon puisque c'est le même cabinet, Ruedi Baur, qui l'a conçue. C'est toujours Arnaud Meunier qui aura le privilège et la responsabilité de conduire cet outil de 29 M€ HT (dont 8, 3 supportés par la Ville et 7, 5 par l'Etat). Le metteur en scène arrivé en 2011, a logiquement été reconduit en janvier par un troisième et dernier mandat jusqu'en 2020. Il continuera à mener une politique axée sur les auteurs vivants. Pas moins de cent d'entre eux ont été produits, coproduits ou accueillis en six ans.

Lui-même montera la saison prochaine At war, une œuvre de l'Américaine Aleshea Harris pour une "revisitation afro punk" de L'Orestie promet-il. À l'avenir, il compte bien faire reconnaître la prise de risque qu'est une commande d'écriture, expérience déjà éprouvée avec Stefano Massini ou la jeune Néerlandaise Lot Vekemans dont il a adapté l'an dernier Truckstop pour le jeune public.

À seulement quinze minutes à pied de la gare, beaucoup moins en 2020 avec l'arrivée du tramway, cette "Nouvelle Comédie" promet d'être encore plus accessible à un large public, sans pour autant que les habitants de Beaubrun soient privés de leur établissement culturel passé. L'ancienne comédie va être réhabilitée (2017-2019) et restera un lieu d'accueil de spectacles (reprenant la programmation de la salle Jeanne d'Arc) et un lieu de résidence de compagnies émergentes.


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