Juin : on bouge ou on reste ?

Les ponts de mai vous ont donné des envies de vacances ? Dommage, il vous faut encore patienter. Profitez donc du mois de juin, qui s'achève par la Fête du Cinéma, pour faire escale dans les salles obscure (et climatisées) ; vous irez ensuite cuire au soleil.


Should I Stay or Should I Go“ ? Qu'il s'agisse de rester groupés ou de prendre son indépendance, d'hésiter entre rester sur place ou aller de l'avant ; de prendre son élan avant d'accomplir un acte décisif, nombreux sont les films semblant illustrer ce mois-ci le lancinant refrain des Clash ! Mais n'en déplaise aux survivants de la formation punk-rock, leur hymne convient particulièrement à des films marqués par la violence et la guerre. À commencer par l'adaptation du roman de Laurent Binet, HHhH (7 juin). Signée Cédric Jimenez, cette biographie du nazi Reinhard Heydrich (le concepteur de la Solution finale) s'attache aussi aux martyrs ayant organisé son exécution à Prague — l'Opération Anthropoid. Malgré quelques efforts d'originalité dans sa construction, l'ensemble peine à conjurer la malédiction de l'euro-pudding. Tiré du Terroriste noir de Tierno Monénembo, lequel s'inspirait de l'histoire authentique d'un résistant noir, Nos Patriotes de Gabriel Le Bomin (14 juin) se déroule à la même époque. Et n'est pas exempt de critiques, tant il accumule de facilités et de conventions : personnages caricaturaux, répliques surécrites et grosses ficelles plombent ce portrait de maquisard(s). Question calibres, autant rire un bon coup (de feu) avec la comédie de gangsters de Ben Wheatley Free Fire (14 juin). Ce huis clos dans un hangar montre une transaction “normale” entre des trafiquants d'armes et des membres de l'IRA tourner d'un coup au vinaigre à cause d'une histoire d'honneur bafoué — donc de fesses. S'ensuivent des tirs nourris, des blessures multiples, des répliques fusantes et quelques scènes un peu (beaucoup) gore : forcément, Scorsese est à la production. Moins composé que High Rise, mais tout aussi croquignolet question looks années 1970, arborés ici par Brie Larson, Armie Hammer ou Cillian Murphy.

Adieu, je reste

Difficile de trancher entre partir ou rester lorsque chaque option équivaut à un abandon, et provoque de douloureuses conséquences. Pour le cinéaste protagoniste des Derniers jours d'une ville de Tamer El Said (28 juin), rester au Caire en 2009 pendant que sa ville s'embrase, c'est accomplir son devoir à l'instar de ses confrères irakiens et libanais, malgré les dangers, les difficultés techniques ou les peines sentimentales. Un témoignage prenant, entre documentaire et fiction. Dans Les Lauriers-roses rouges de Rubaiyat Hossain (7 juin), une comédienne bengali opère un constat similaire : soit elle donne un nouvel élan à sa carrière en montant une pièce devant tourner à travers le monde, soit elle la met entre parenthèses pour une période indéfinie en acceptant d'avoir un enfant avec son mari ultra conventionnel. Un film révélateur des multiples contradictions d'une société qui, si elle aspire à l'ultra-modernité, s'arc-boute sur des traditions rétrogrades en concédant une place insignifiante aux femmes.

Bouge, meurs pas, ressuscite

Le mouvement empêche, dit-on, de tomber mais surtout de reculer. Toutes les entreprises doivent le suivre (ou l'anticiper) pour survivre, quelles qu'elle soient. Imaginez le calvaire d'Edmond Zweck, dont la boîte de pompes funèbres périclite. C'est le point de départ d'unecomédie d'humour noir (forcément) aux accents nordiques, Grand Froid de Gérard Pautonnier (28 juin), qui promène des croque-morts désespérés oscillant entre l'ennui et le chômage technique et des macchabées pas forcément trépassés. Une distribution de première classe sert de cortège : Jean-Pierre Bacri, Olivier Gourmet, Arthur Dupont, Féodor Atkine, Sam Karmann. Manque encore un soupçon de rugosité et de cruauté, mais l'esprit y est.

Enfin, comment ne pas parler de ces lieux où, justement, on se rend pour voir des films ? Le dessinateur Mathieu Sapin et Jean-Pierre Pozzi ont écumé la France des salles de cinéma alternatives pour Macadam Popcorn (21 juin). Tourné durant plusieurs années, ce documentaire gentiment boiteux célèbre les défenseurs acharnés de l'exception art et essai maintenant coûte que coûte leurs écrans dans le paysage. Heureusement que ce road movie traite d'une noble cause avec des intervenants sympas, sans quoi on fustigerait sa réalisation bancale, son montage façon coq-à-l'âne et le jeu approximatif des protagonistes. Il l'a échappée belle !


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