Ouverture de saison : Trois semaines pour fêter le théâtre et la jeunesse !

Un théâtre populaire vivant, ouvert sur d'autres formes de créations artistiques et ancré dans la réalité d'une jeunesse française tourmentée. C'est le fabuleux cadeau de La Comédie pour son baptême du feu : trois semaines en entrée libre avec des "happenings" disséminés aux quatre coins de la ville, un bal littéraire, une expo photo, du théâtre participatif, des concerts et moult surprises !


Dépoussiérer l'image d'un théâtre réservé aux élites et aux "vieux", La Comédie de Saint-Étienne s'y est toujours attelée. Mais pour l'ouverture de sa première saison à la Plaine-Achille, elle frappe encore plus fort en mettant les jeunes stéphanois au cœur du dispositif créatif de sa programmation inaugurale. « Trois semaines de créations partagées, en entrée libre, où la jeunesse avec ses questionnements, ses joies, ses doutes, ses colères et ses enthousiasmes sera au cœur de nos propositions » annonce le théâtre. Le programme s'articule autour d'un projet artistique et culturel ambitieux intitulé Et maintenant ?. Portée par le directeur de La Comédie Arnaud Meunier au lendemain des attentats de Charlie Hebdo en 2015, l'idée était de fédérer le dense réseau associatif et éducatif stéphanois autour de la création de cinq spectacles réunissant comédiens amateurs et comédiens professionnels.

Démarche politique et poétique

Tout comme pour le projet 11 septembre 2001 (mené par Arnaud Meunier en 2011 avec des lycéens de Seine-Saint-Denis), la démarche se veut à la fois politique et poétique. Ainsi, la pièce Alertes écrite par Marion Aubert et mise en scène par Kheiredinne Lardjam embarque de jeunes stéphanois âgés d'une vingtaine d'années, dont le groupe musical The Spoilers, dans un questionnement socio-métaphysico-existentiel : « Ça veut dire quoi avoir 20 ans aujourd'hui en France ? ». Programmée en seconde partie de la même soirée, la pièce Les trois singes de Riad Gahmi et Cécile Vernet y apporte une douloureuse réponse avec son étrange agence "où il n'y a rien à payer" car la monnaie d'échange y est la colère et le ressentiment. On y ajoute la "jalousie" et nous voilà dans l'étrange bureau des désirs inavouables des Petits Frères d'Elsa Imbert où chacun a la possibilité de faire la demande d'un frère ou d'une sœur idéale. Il est permis également de ramener celles ou ceux, qui dans notre fratrie, ne nous satisfont pas pleinement. Une pièce jeune public à laquelle ont participé les élèves de la 4e/3e Babylone du Collège Marc Seguin. Côté ados, un chœur d'élèves issus de deux classes de 2nde/1ère du Lycée Étienne Mimard a contribué au spectacle L'homme libre écrit par Fabrice Melquiot et mis en scène par Arnaud Meunier, qui retrace l'épopée d'un jeune Gus entre le KFC de la Talaudière et les sous-sols des lotissements de la Cotonne. Et parce qu'il faut bien vivre avec son temps, il peut s'avérer utile de s'interroger sur ce dit-temps. Ce que ne manquent pas de faire François Bégaudeau et Mathieu Cruciani avec des jeunes issus d'une classe de 3e du Collège Gambetta et de l'Espace Boris Vian dans la pièce Nous sommes plus grands que notre temps.

Spectacle joyeusement participatif

Ce menu de cinq pièces de théâtre "participatif" sera agrémenté d'autres plats encore plus surprenants. Ainsi du spectacle Floe, performance née de la rencontre entre l'artiste de cirque Jean-Baptiste André et le plasticien Vincent Lamouroux. Ensemble, ils ont imaginé une installation qui s'inspire des étonnants reliefs polaires. L'œuvre a la particularité de s'exposer en extérieur dans différents endroits de la ville. En prise directe avec elle, Jean-Baptiste André doit, pour son propre salut, la traverser. Nous l'apercevons au gré des aspérités de la sculpture, chuter, grimper, attendre, se suspendre, glisser, chuter à nouveau, se relever, se remettre en chemin... Et que dire du projet sociologico-urbanistico-artistique du collectif X VILLES# ? Il s'agit de recueillir les points de vue de tous les habitants et acteurs de la ville, de les brasser et d'en rendre compte sous la forme d'un spectacle joyeusement participatif. Le spectacle est en deux parties : l'une est assumée par les élèves comédiens de la promotion 29, l'autre est ouverte à la participation de tous. Toujours dans les saveurs inattendues d'un théâtre expérimental mais pas "prise de tête", les élèves comédiens de la promotion 28 ont concocté Aller siffler là-haut sur la colline, en se nourrissant d'écritures de nature différente : un roman journalistique, une BD et un film. En explorant ces matériaux, en les adaptant pour la scène, ils questionnent la richesse du langage théâtral. Avec humour et poésie, chercher comment passer du singulier à l'universel, du groupe à l'individu et rendre compte de la complexité humaine…

Dansez maintenant !

Et parce qu'il faut bien que "le corps exulte" après toutes ces nourritures de l'esprit, le clou de ces trois semaines festives n'est autre qu'un… bal littéraire ! Le concept ? Cinq auteurs se réunissent à l'aube autour d'un litre de café et d'un stock de leurs tubes préférés pour constituer une playlist de chansons (très connues). Dix tubes qui donneraient envie de danser à une brique. Ils élaborent ensuite une fable commune et se répartissent les épisodes, textes courts dont chaque fin doit énoncer le titre de l'un des morceaux choisis. Le soir, les auteurs, sous les sunlights, livrent à plusieurs voix cette histoire unique, écrite à dix mains dans un temps record pour ce Bal Littéraire. Les spectateurs / danseurs sont en piste pour écouter sagement chaque texte et danser follement sur chaque morceau – et pas le contraire ! Avouez que c'est tentant…


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La Comédie scintille dans son nouveau décor