Daniel Yvinec : « Monter un projet musical unique et inédit »

Pour monter le projet We Could be Heroes, hommage à David Bowie, l'équipe du Rhino Jazz(s) a fait appel à Daniel Yvinec (ex-Orchestre National de Jazz). Il se positionne comme le directeur artistique d'une série de concerts uniques avec notamment la présence de 4 musiciens (Donny Mc Caslin aux saxophones, Jason Lindner aux claviers, Mark Guiliana à la batterie et Tim Lefebvre à la basse) ayant participé au dernier album de la star anglaise : Blackstar. Explications avec l'intéressé.


Quel est votre rôle dans ce projet ?
Daniel Yvinec : Mon rôle est d'être un producteur au sens artistique du terme. L'intitulé exact est directeur artistique. L'idée de rendre hommage à Bowie est venue du Rhino Jazz(s) il y a 4 ans, bien avant la disparition de David Bowie. Ils ont fait appel à moi au moment où se posait la question de « comment rendre cet hommage ». J'ai été très touché qu'ils pensent à moi pour ce projet. Nous avons réfléchi ensemble aux musiciens qui pourraient se prêter le mieux à cet exercice délicat. Ludovic Chazalon (Ndlr : programmateur du festival) avait déjà en tête l'Imperial Quartet et le Possible(s) Quartet. Aussi, connaissant une partie des musiciens du dernier album de Bowie, Blackstar, je possédais un contact un peu privilégié avec eux et il était logique de leur proposer de s'impliquer. Dans les deux projets de concerts, la manière de travailler n'est pas exactement la même. Pour l'Impérial Quartet et le Possible(s) Quartet, nous leur avons suggéré une liste de morceaux de Bowie sur lesquels ils ont réagi. Nous travaillons petit à petit avec eux. J'apporte un regard extérieur sur la musique et le travail des groupes, en leur donnant des pistes auxquelles ils n'auraient peut-être pas pensé. Concernant l'autre date, l'idée d'aller chercher le quatuor de Blackstar, n'est pas basée sur l'envie d'avoir une "affiche clinquante" mais de s'appuyer sur des musiciens avec une grande ouverture d'esprit et surtout ayant travaillé et côtoyé de près David Bowie. En plus d'être de grands musiciens, ils ont la classe d'accepter mon intervention. La clef de la réussite se situe dans ma remise en question et la leur.

« En plus d'être de grands musiciens, ils ont la classe d'accepter mon intervention. »

Comment travaillez-vous avec les 4 musiciens de l'album Blackstar ?
Ces 4 musiciens ont connu la manière de travailler de David Bowie. Ils m'ont expliqué leurs évolutions à ses côtés. Bowie avait volontairement choisi d'enregistrer avec eux. Ils n'étaient pas des musiciens interchangeables. D'ailleurs, dans l'album Blackstar, on entend vraiment le son du groupe et son influence. Bowie avait d'ailleurs déclaré à leur propos à son producteur Tony Visconti : « bon, là, il va falloir qu'on s'accroche ! » C'était une preuve de l'exigence mais aussi et surtout une forme d'humilité assez sidérante de la part d'un tel artiste, ayant produit autant de choses auparavant. Du coup, je leur ai expliqué que l'idée n'est pas de reprendre des morceaux en version instrumentale ou de refaire un album en changeant les chanteurs mais plutôt de trouver un moyen plus personnel de rendre hommage à l'audace de l'artiste, à sa créativité... Notre manière de travailler est assez simple. Nous avons d'abord échangé par mail. Je leur ai expliqué le projet et ils ont très rapidement dit oui. Ensuite,  il a fallu croiser les emplois du temps de chacun. Ce qui n'est pas chose aisée étant donné que les quatre ne jouent pas toujours ensemble. Ils avaient décidé que cette date ne se ferait qu'à la condition de la présence de tous. Ce point démontre leur engagement et leur attachement à ce projet. De plus, ce concert inclut une grande part de risque. Nous allons nous retrouver avant le 21 octobre, avec 3 jours pleins pour travailler et créeer ce répertoire. L'idée est de monter un objet musical unique et inédit. En musique, on peut avoir besoin de beaucoup de temps pour créer mais parfois il est plus facile d'agir en réaction, surtout dans le jazz qui est une musique d'interaction. Il nous reste à trouver un équilibre afin d'obtenir le meilleur concert possible.

« Le jazz est une musique d'interaction »

Ce projet restera-t-il un "one shot" ?
La réponse est oui pour le concert avec le quatuor de Blackstar. Il y a un côté frustrant, forcément, notamment pour celles et ceux qui ne pourront pas être au Fil,  mais il y a également quelque chose d'assez beau dans ce côté unique. C'est important pour les musiciens de vivre cet instant, cette expérience. Ils n'ont pas envie de surfer sur une "vague" après la disparition de Bowie. Concernant l'Impérial Quartet et le Possible(s) Quartet, ils n'ont pas du tout la même position par rapport à Bowie. Du coup, ce concert sera rejoué et donnera lieu à un enregistrement potentiellement commercialisé. Il y a donc un futur au "David Bowie's Project : We Could Be Heroes" initié par le Rhino.

- Impérial Quartet & Possible(s) Quartet, samedi 14 octobre à 20h30, salle Aristide Briand à Saint-Chamond
- The Band from David Bowie's Blackstar, samedi 21 octobre ) 21h, Le Fil à Saint-Étienne
Dans le cadre du festival Rhino Jazz(s)
- + de nombreux autres événements autour de David Bowie / Plus d'infos sur www.rhinojazz.com/david-bowies-project/


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