"Une suite qui dérange : le temps de l'action" : La cause n'est toujours pas entendue

Dix ans après Une vérité qui dérange, le Prix Nobel de la Paix et ex vice-président étasunien Al Gore poursuit son combat en faveur de l'environnement, alors que l'actualité mêle COP21, cataclysmes climatiques et élection d'un climato-sceptique aux USA. On se bouge ?


Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. Les mots prononcés par Chirac durant le sommet de Johannesburg pourraient figurer dans chacun des one-Gore-show que Al le pèlerin promène de par le monde. Ces conférences — sortes de monologues nourris de Powerpoint, d'images sans cesse réactualisées de villes dévastées par des catastrophes météorologiques ; de diagrammes pour certains affolants (l'élévation de la température moyenne), pour d'autres encourageants (l'évolution de la production d'énergie renouvelable et l'abaissement de son coût) — servent une nouvelle fois de socle à ce documentaire. Reconverti prêcheur, l'ancien politicien se fait l'avocat médiatique de la planète, le témoin de ses hauts-le-cœur et, plus intéressant, lobbyiste au service de sa cause : il est montré comme ayant favorisé la ratification de l'Inde à l'accord de Paris. Dégagé de tout mandat, mais jouissant d'une aura et d'un capital sympathie considérables (que ce film, malin, contribue à accroître), Gore prouve que dans son cas ne plus gouverner, c'est agir et prévoir.

Un film Gore

Ne craignant jamais de mouiller sa chemise ni de tremper ses chaussettes dans les inondations post-ouragan, Gore agit en héraut-héros de l'environnement afin d'infléchir le cours de l'Histoire. Parfois, l'Histoire le bouscule ou l'ébranle, et la caméra capture ces instants révélateurs. Tel ce moment anodin où Justin Trudeau l'accoste et se présente à lui comme un fan. Gore le félicitant, le charismatique Premier ministre réplique en bon politique : « Ce n'est pas moi [qu'il faut féliciter], mais les Canadiens » Al ignore à ce moment-là que le CETA défendu par Trudeau sera considéré comme “incompatible avec l'accord de Paris“ et “légèrement défavorable“ sur l'environnement selon plusieurs experts et associations. Dommage.

Tel ce moment plus grave où Gore se trouve à Paris pour un grand direct, et que son show est interrompu par le drame du Bataclan. L'homme d'État trouve les mots pour soutenir ses troupes  reprendre le combat — les combats. Car tout est indissolublement lié sur cette petite planète dont il a voulu, lorsqu'il était vice-président, qu'on puisse observer l'évolution du ciel grâce à un satellite dédié. La cause de Gore, plus vaste que lui, n'est toujours pas entendue. Mais dans le brouhaha des égoïsmes et des individualismes, est-elle seulement audible ?

Une suite qui dérange : le temps de l'action de Bonni Cohen & Jon Shenk (É.U., 1h38) documentaire avec Al Gore…


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