François-Henri Désérable : « Le point de départ de ce livre vient d'une somme de hasards »

Le jeune auteur François-Henri Désérable, ancien hockeyeur professionnel, nous emmène dans les rues de la belle capitale lituanienne,  Vilnius, sur les traces de Romain Gary,  avec son dernier roman Un certain M. Piekielny. On retrouve dans cette enquête des touches d'humour et de malice si chères à l'auteur de La Promesse de l'Aube. Un roman d'une grande réussite, sélectionné dans la liste des potentiels Goncourt 2017, dont nous avons discuté avec son auteur.


Quel a été le point de départ de l'histoire de votre livre ? Est-ce vraiment tel que vous le racontez dans le livre, une somme de petits événements, et donc le hasard, qui vous ont guidé jusqu'à l'immeuble où avait vécu Gary enfant ?
Oui, le point de départ de ce livre vient d'une somme de hasards – un vol pour Minsk qui se transforme en vol pour Vilnius, un portefeuille volé, un train raté, telles rues empruntées plutôt que telles autres – dans lesquels j'ai voulu voir une injonction à mener l'enquête sur ce M. Piekielny qui avait fait promettre au jeune Romain Gary – qui s'appelait alors Roman Kacew – de prononcer son nom devant "les grands de ce monde".

Vous êtes le narrateur dans ce roman. C'est un changement par rapport à Évariste et Tu montreras ma tête au peuple...
Pour la première fois, l'auteur et le narrateur se confondent. Je suis comptable de chacune des paroles prononcées par le narrateur.

Il y a une frontière très ténue dans votre roman entre le réel et la fiction. Est-ce plus difficile, mais peut-être plus excitant, d'écrire dans cette optique là ?
Le réel et la fiction s'entremêlent. Ce livre déplaira à ceux qui prétendent lire exclusivement des romans « d'après une histoire vraie » (la fameuse « non-fiction » dont je suis par ailleurs un fervent lecteur), mais aussi à ceux qui ne souhaitent lire que des œuvres de pure imagination. Ceux qui s'en foutent, en revanche, ceux pour qui la frontière entre le réel et la fiction n'est pas censée être délimitée par un mur infranchissable, ceux-là y trouveront peut-être leur compte.

Avec cette enquête dans Vilnius, vous exhumez un monde qui a disparu et dont peu de personnes se souviennent. Etait-ce volontaire d'évoquer tout cela ?
Bien sûr. Il y avait 60 000 Juifs à Vilnius avant la guerre, et ils sont aujourd'hui un tout petit peu plus de 1000. Il y avait 106 synagogues, et il n'en reste plus qu'une. Piekielny, c'est l'incarnation de ces Juifs de Vilnius, engloutis par la lame de fond rouge et brune.

« Le monde du hockey est surtout très branché hockey. »

Avez-vous désormais un lien particulier avec la Lituanie ?
J'y suis allé plusieurs fois, et j'y retournerai certainement. Vilnius est une ville que j'aime, que je regarde à travers un filtre sépia,  et qui m'inspire une très grande mélancolie.

Avez-vous parlé avec Bernard Pivot de la version que vous avez imaginé d'Apostrophes ? Si oui, que vous a-t-il dit à ce propos ?
Non, je n'ai pas parlé à Bernard Pivot. Mais je l'ai entendu dire dans une interview que son plus grand regret était de ne pas avoir consacré une émission spéciale à Romain Gary de son vivant. Maintenant, elle existe. Et certains lecteurs se rappellent même l'avoir vue.

« Un siècle a passé, et le nom de Piekielny est encore prononcé par les grands de ce monde. »

Vous êtes un joueur de hockey sur glace devenu écrivain. Est-ce que le monde du hockey est très "branché" littérature ?Le monde du hockey est surtout très branché hockey.

Conservez-vous un lien avec le hockey ?
J'y ai conservé de nombreux amis, dont certains jouent encore, et je vais chaque année aux championnats du monde. Je suis un fervent supporter de l'équipe de France.

Votre roman figure dans la liste des potentiels Goncourt. Une réaction à cette nouvelle ?
Un siècle a passé, et le nom de Piekielny est encore prononcé par les grands de ce monde.

Un certain M. Piekielny, de François-Henri Désérable, aux éditions Gallimard


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