Danse à l'aveugle

Soirée surprise à l'Opéra avec Plaisirs Inconnus qui nous entraîne dans une aventure inédite. Hormis le nom des danseurs, rien ne sera dévoilé de l'identité des musiciens, des créateurs de lumières, de costumes et des chorégraphes dont on sait seulement qu'il s'agit de quatre femmes et un homme de nationalités différentes et de tous âges.


Qu'est-ce qui fait le succès d'une création ? Le nom et la réputation des créateurs ou la qualité de l'œuvre ? C'est l'une des nombreuses questions que soulèvent Petter Jacobsson et Thomas Galey en ne révélant rien au spectateur (sauf les noms des danseurs ) des éléments constitutifs de la création de Plaisirs Inconnus. On sait bien que « dans un monde et un marché de l'art international, le nom qui attribue la paternité de l'œuvre au chorégraphe [...], la spécificité d'un artiste, la signature d'une compagnie ou le profil d'une institution agissent comme une monnaie et un label » et que les spectacles se vendent sur des noms de chorégraphes dont l'effet de célébrité participe indéniablement au succès d'une création et influence la critique. Mais peut-être moins le public dont la culture chorégraphique est malheureusement assez souvent limitée. En mettant en avant par l'anonymat la création plutôt que le créateur, Petter Jacobsson et Thomas Galey amènent le spectateur à regarder une pièce, sans a priori, en toute spontanéité, déconnecté de la signature des créateurs.

Quelques repères malgré l'anonymat

Bien sûr, l'esprit ne peut s'empêcher de chercher des repères (ce qui risque de dévier l'attention du spectateur vers un jeu de devinettes). La première pièce qui explore la circularité avec voltes, tours, pliés, sur une musique répétitive semble signée. Et la troisième, avec ses académiques jaune métallisé, sa façon de prendre le mouvement n'a-t-elle pas quelque chose à voir avec Forsythe et Cunnigham ? Mais ne résistons pas aux plaisirs de l'inconnu. Abstenons-nous de faire des suppositions sur l'identité des chorégraphes. Restons réceptifs aux plaisirs de tous les sens procurés par les excellents danseurs du prestigieux Ballet de Lorraine. « Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse » expliquait Musset.

Plaisirs Inconnus, vendredi 13 octobre à 20h, à l'Opéra de Saint-Étienne


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Caméléon