Black and white

Le photographe Michel Ayrault présente à la galerie Noir & Blanc un reportage au long cours sur le chantier de la nouvelle Comédie : Chronique d'une construction, trois années de travaux.


Trop rare lieu exclusivement dédié à la photographie dans la région, la galerie Noir & Blanc propose sa quarante-sixième exposition avec le remarquable travail qu'a mené Michel Ayrault autour d'un chantier hors norme, de la chenille au papillon, des anciens ateliers de la SSCM au tout nouveau centre dramatique national. Cofondateur (avec Guy Hyvert et Daniel Marion) du collectif éponyme, Michel inscrit fidèlement sa démarche dans le cadre que s'est fixé l'association : promouvoir la photographie sociale et humaniste tout en défendant la qualité intrinsèque du noir et blanc, avec une prédilection pour l'argentique. Pour autant, le lieu reste ouvert aux différentes pratiques photographiques, même numériques, en accueillant régulièrement sur ses cimaises les images d'artistes invités, qu'ils vivent dans le bassin stéphanois (Marie-Pierre Vincent, Maurice Muller, Ivan Richier...) ou qu'ils viennent d'un autre continent (Souleymane Cissé), qu'ils fassent partie de collectifs de photographes (Item, Le Bar Floréal) ou encore d'agences (Vu...). L'équipe se fait parfois un petit plaisir en faisant venir les œuvres de grands maîtres de la photo, comme ce fut par exemple le cas avec la série Exodes du Brésilien Sebastião Salgado. Depuis avril 2008, les expositions ont balayé bien des aspects de notre société, des constats plus ou moins heureux sur notre condition humaine, le travail, les luttes et les manifs, les artisans qui peinent à se maintenir et les usines qui ferment, mais aussi, parfois, des éclaircies, des échappatoires, comme la musique ou l'univers décalé des bikers.

Chantier

En dehors de quelques escapades chinoises ou malgaches, Michel Ayrault fixe depuis toujours, avec talent et sensibilité, la mémoire photographique du bassin stéphanois et au-delà, saisissant ouvriers, armuriers, bûcherons, bergers, pêcheurs... Le photographe concentre son attention sur ceux pour qui la vie, rude et chaotique, n'est pas vraiment un long fleuve tranquille. Les tirages monochromes actuellement exposés à la galerie (par ailleurs effectués par Pierre-Louis Giannetti au labo lyonnais Lynx), donnent à voir un chantier étonnant, avec le ballet des silhouettes affairées, hommes et femmes qui manipulent le bois, le béton, le métal, le plâtre et la peinture, avant que n'arrivent les premiers fauteuils et la signalétique. Le chantier ayant pris un retard important avec la neige puis le dépôt de bilan du premier cabinet d'architectes, les multiples corps de métier sont à l'œuvre dans une course contre le temps. Partout la valse des rouleaux et des pinceaux. En continu l'insistance des foreuses. Des dizaines de fourmis à casques blancs grouillent sur et sous les toits, déplaçant des kilomètres de câbles et des tonnes de poutrelles dans le grognement des bétonnières qui s'en viennent et s'en vont. Un chantier qui s'inscrit dans l'Histoire du théâtre stéphanois et donc dans celle de la ville depuis 1947, avec en filigrane l'omniprésence de Jean Dasté. Un chantier qui témoigne aussi des évolutions de la cité Stéphanoise qui n'en finit pas de tourner la page d'un passé industriel révolu, avec ses friches industrielles reconverties ou laissées pour mortes. Une ville où tout semble encore à faire et qui pourtant laisse son centre se vider et la culture se concentrer en périphérie, vidant le cœur de ville de ses lieux d'échange. Encore une fois, la photographie opère son travail de mémoire et c'est en ce sens que le regard de Michel Ayrault, sa maîtrise du cadre et de la composition servent une juste cause, contre l'oubli.

Chronique d'une construction / trois années de travaux, photographies de Michel Ayrault, jusqu'au 21 octobre 2017 à la galerie Noir & Blanc, 15 rue Brossard à Saint-Étienne


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