Le folk doux-amer de Zacharie

Avec son premier album intitulé "Giant Bear", le musicien et chanteur Zacharie propose un folk matiné de blues, forgé dans une certaine tradition du genre tout en y incorporant quelques touches subtile de modernité qui en font un mélange très équilibré. Un premier opus réussi entre compositions intimistes, textes anglais bien dosés et univers très imagé. Rencontre avec un artiste simple et authentique.


Comment en êtes-vous arrivé à devenir chanteur et musicien ? Vous avez été réalisateur de films...
Zacharie :
Je vais donner une réponse assez "bête" mais c'est vraiment la vie qui m'a mené à cette aventure... Je n'étais pas du tout prédestiné à faire cela car je suis plutôt quelqu'un de l'ombre. Ma position de réalisateur, au sein de ma société Opossum Productions, me convenait bien. J'étais plutôt discret mais la musique a toujours été présente dans ma vie. J'ai un père musicien, donc c'est un univers familier pour moi. Pendant très longtemps, ma musique a été cantonnée à mon univers le plus intime, sous forme de "petit journal de bord". J'ai toujours un peu "gratouiller" la guitare et chantonner jusqu'à ce que cela devienne une aventure plus collective lors de ma rencontre avec Ismaïl Ziani, qui écrit des textes et avec qui j'ai commencé à composer. Au début, c'était pour affronter un "hiver trop rigoureux" puis cela s'est transformé en discipline plus poussée. Au bout d'un moment, nous nous sommes aperçus qu'un petit répertoire était en train de naître.

Que voulez-vous dire par "un hiver un peu rigoureux" ?
Nous affrontions tous les deux des revers de bâton amoureux à cette période. Comme souvent, c'est une source d'inspiration et de motivation pour les "chanteurs à guitare" (rires). C'était d'abord vraiment pour chasser le spleen.

Comment travaillez-vous avec Ismaïl ? Est-ce dans un ordre précis, c'est-à-dire qu'il écrit d'abord les textes puis vous composez dessus ou inversement ?
Il n'y a jamais vraiment eu de mécanique entre nous. Parfois c'est un texte proposé spontanément par Ismaïl. Parfois j'ai un morceau de musique mais pas de mots. C'est souvent très rapide, un coup de speed, une espèce de petite nécessité. Il suffit ensuite de jouer, jouer et rejouer la chanson dans ma cuisine pour que nous allions plus loin (rires).

Sur cet album, l'univers est assez travaillé et imagé. Comment en êtes-vous arrivé à créer cette atmosphère ?
Cet univers s'est dessiné au fur et à mesure qu'on le bâtissait. Je n'avais pas d'idée très arrêtée sur les choses. Je n'avais pas de plan de carrière ni d'ambition plus poussée que cela. Mais question après question et chanson après chanson, cet univers s'est construit. Effectivement, l'image est très importante pour moi. Le point commun entre la vidéo et la musique est la présence d'une narration. D'autre part, je chante en anglais alors que moi-même, en tant que public, je ne retiens que les images fortes des chansons écrites dans la langue de Shakespeare. Nos titres sont donc baignés dans des images fortes.

Le travail visuel et graphique de l'album sont également poussés...
Oui, c'est Olivier Bonhomme, un ami illustrateur très doué et dont j'adore le travail qui a travaillé sur cette partie. On se disait qu'il avait entre les mains le pendant visuel des chansons avec un côté très technique mais aussi très décalé. Nous lui avons proposé de réaliser la pochette mais également une illustration pour chaque titre pour le livret. C'était une manière de rajouter un degré narratif tout en valorisant l'objet disque.

En combien de temps ont été composées ces chansons ?
J'ai vraiment commencé à chanter au début de l'année 2015. Nous écrivions depuis un an avec Ismaïl. Donc cet album c'est un peu les deux ou trois dernières années de ma vie qui sont photographiées.

Sur votre biographie, il est indiqué que vous êtes gaucher mais que vous utilisez une guitare de droitier sur laquelle les cordes n'ont pas été renversées. C'est assez étonnant.
Là encore, ce n'est pas vraiment un choix. Mon père est guitariste et droitier, donc, de mon point de vue, une guitare correspond à celle des droitiers. C'est assez naturel pour moi. Et puis, lorsque tu es gaucher, tu ne peux pas vraiment jouer sur la guitare des autres car personne n'est gaucher autour de toi. Les droitiers ne peuvent pas non plus jouer sur ta guitare si tu es gaucher (rires). Cela donne une position totalement injuste pour les gauchers. Mais ce n'est pas si compliqué de jouer de cette manière et cela donne une couleur différente au son je trouve car la corde de la basse est située en bas au lieu d'être en haut sur les guitares "classique".

Comment vous présentez-vous sur scène ?
Soit en trio avec Fred Brousse et Teddy Elbaz, soit en solo. Pour l'enregistrement de l'album, nous avons ajouté de nombreux instruments mais tout en gardant l'ambition de proximité avec la voix et de sublimer les chansons par les arrangements. Mais l'album n'est pas chargé et conserve une intention intimiste. Sur scène les chansons sont plus brutes, réadaptées. Mais la chanson reste centrale.

Pourquoi avoir fait le choix d'ouvrir l'album avec une reprise de Stayin' at home de Fats Waller ?
Cette reprise n'était pas tout prévue. Je n'ai pas une passion particulière pour Fats Waller et je suis tombé par hasard sur cette chanson. La mélodie m'est restée dans la tête et je l'ai retranscrite à ma sauce, en folk. C'est un choix un peu particulier d'ouvrir un album de compositions par une reprise, mais c'est plutôt chouette. C'est un format guitare-voix, et c'est finalement comme ça que j'ai commencé. Ensuite, au fil du temps, à force de la jouer, je me suis vraiment approprié ce titre et je ne la considère vraiment plus comme une reprise. Paradoxalement, cette chanson est presque plus personnelle que d'autres tirées de l'album. De plus, cette chanson parle d'un homme qui attend une femme qui ne viendra visiblement jamais, le tout dans un décor cosy, en reflétant un état d'âme très doux, assez heureux. Cela correspond vraiment à la teneur de l'album qui mêle un côté très cosy mais aussi de l'amertume. Cette première chanson pose un personnage que l'on suit tout au long de l'album, dans ses rêves, ses fantasmes. 

Zacharie, Giant Bear (Z Productions/Inouïe Distribution), sortie le 13/10

Zacharie, dimanche 15 octobre à 17h, au Pax à Saint-Étienne


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