Donner un écho contemporain à l'oeuvre monstre de Jean Genet, c'est le deal conclu entre Marion Aubert, auteure habituée des commandes de La Comédie de Saint-Étienne (dont récemment Alertes à la rentrée) et la compagnie clermontoise Le Souffleur de Verre. Créée en 2003 par Julien Rocha et Cédric Veschambre, à la fois metteurs en scène et acteurs, la compagnie donne une place centrale à l'Acteur. Dans Des hommes qui tombent (Cédric, Captive des anges), le duo pousse le curseur encore plus loin, dans une sorte d'autofiction structurée autour du roman Notre-Dame-des-Fleurs. « Dès les premiers échanges avec Marion Aubert, il fut question de se servir de nos vies, du cadre de nos vies pour raconter le monde » assume Cédric Veschambre, qui incarne Divine, dans « une épopée sur les prisons mentales des artistes, et par-delà même des individus. » À travers ce rôle de prostitué(e) chahuté(e) dans un monde à la marge entourée de macs, de voleurs, de tantes, d'une mère infanticide, Cédric se pose des questions sur la norme, l'homosexualité, l'engagement...
Si la pièce reste fidèle à l'ossature de l'œuvre de Genet, elle "contextualise" l'environnement du roman écrit en 1942 sur la scène géopolitique de 2016. Les terroristes de Daech s'invitent dans cet univers interlope. Comme chez Genet où les assassins étaient mis à mort, les homosexuels aujourd'hui sont jetés du point le plus haut en Syrie. Des chutes comme des sacrifices uniquement pour leur orientation sexuelle, uniquement « parce qu'ils sont des culs », écrit Marion Aubert. La plume à la fois incisive et presque enfantine de Marion Aubert, son humour théâtral, son ancrage dans les contingences du quotidien font contrepoint à la noirceur du roman de Genet, tout en préservant le lyrisme envoûtant du poète marginal. Sur une bande son composée par Matthieu Desbordes et Benjamin Gibert, le spectacle est émaillé de scènes de cabaret burlesque.
Des hommes qui tombent (Cédric, Captive des anges), du 6 au 8 décembre à La Comédie de Saint-Étienne