Rone : "Faire un album plus solaire"

Le funambule électronicien Rone est de retour avec "Mirapolis", un quatrième album plus coloré et aux sons mêlant encore davantage électronique et organique. Sublimé par une pochette et un univers dessiné par Michel Gondry, cet opus est une envolée dans les méandres d'une ville magique où Erwan Castex (vrai nom de Rone) nous guide.


Mirapolis est beaucoup moins sombre que Creatures, votre opus précédent. Pourquoi un tel changement ?
Il y a une part d'inconscient là-dedans. Les compositions sont très liées à des périodes de ma vie. Pour Creatures, je traversais un moment un peu difficile et je pense que cela a déteint sur ma musique. En commençant Mirapolis, je souhaitais faire un album plus solaire car je m'étais rendu compte qu'il existait une certaine noirceur dans Creatures.  Mais je ne suis finalement pas totalement maître de cela. Quand je compose, je me laisse porter par la musique. Le résultat peut inclure de la mélancolie.

D'ailleurs, Mirapolis contient tout de même une grande part de mélancolie...
Oui, mais je pense que ce disque est plus contrasté que le précédent. Il possède quelque chose de mélancolique tout en tirant vers le haut, en étant plus joyeux.

Vous vous êtes encore entouré de nombreux artistes dont Saul Williams, Baxter Dury ou John Stanier (Battles)...
Chaque cas est différent. Par exemple pour Gaspar Claus, Bryce Dessner ou Saul Williams, ce sont devenus des amis que je connais depuis plusieurs années. J'avais déjà fait quelques créations avec eux. Gaspar Claus est un « habitué », il joue souvent sur scène avec moi et nous nous connaissons très bien. Pour Saul Williams, nous nous étions rencontrés lorsque j'étais à Berlin, puis un peu perdus de vue. Il m'a recontacté quand j'étais en studio pour Mirapolis. Je l'ai invité à passer au studio, je lui ai fait écouter des titres, cela l'a inspiré et il a improvisé sur deux morceaux... Mais ce n'était pas prévu. Concernant Baxter Dury ou Kazu Makino, ce sont plutôt des petits fantasmes que je réalise. Je les ai contactés et cela s'est fait.

Vous êtes parti au bord de la mer pour initier la composition de ce nouvel album ?
Je suis allé m'installer quelques jours en Baie de Somme puis en Bretagne, à Roscoff et Brest. Je prenais une chambre d'hôtel, j'avais avec moi quelques machines. Il me fallait m'éloigner de ma vie quotidienne, de mon studio. Comme en parle très bien Alain Damasio sur le titre Bora, j'ai besoin de m'isoler pour travailler. Sur cet album, j'avais très envie de voir la mer, d'être près de l'eau. Je ne sais pas vraiment pourquoi. C'est finalement assez paradoxal puisque l'album s'appelle Mirapolis, avec une thématique forte autour de la ville.

J'avais besoin de touches organiques.

Il paraît que vous enregistrez beaucoup de bruits et de sons avec votre téléphone portable ?
Oui, c'est vrai. Ce sont de petites touches qui apparaissent sur les titres. J'ai fait de nombreuses prises de sons. On entend ma fille sur l'album, ainsi que des bruits du quotidien, de la ville... L'idée de ces enregistrements est d'apporter un peu d'air aux compositions. Si je fais de la musique 100% électronique, cela peut vite être étouffant. C'est une musique qui ne sort pas des câbles, des machines... J'avais besoin de touches organiques.

La pochette est dessinée par Michel Gondry. Est-ce vous qui êtes allé le chercher pour ce travail ou lui qui vous a contacté ? Et ce dessin a-t-il influencé votre musique ?
C'est l'assistante de Michel Gondry qui m'a contacté. Je suis un grand fan depuis de nombreuses années. Donc j'étais impressionné. Avant le rendez-vous, je m'étais fixé pour objectif de le convaincre de faire quelque chose ensemble. Lorsque je l'ai rencontré, il a ouvert son laptop et m'a montré des esquisses, des portraits, des maquettes de pochettes... J'étais surpris et très heureux... La pochette de Mirapolis était déjà présente dans ses croquis. C'était la pièce manquante de cet album et ce dessin m'a aidé à terminer très vite les derniers morceaux, en posant un décor pour le disque.

Vous avez appelé ce disque Mirapolis à cause du parc d'attractions du même nom, alors que vous n'y êtes jamais entré ?
En effet, je ne suis jamais allé dans ce parc, donc ce n'est même pas un hommage... C'est un souvenir d'enfance, car je passais devant régulièrement en voiture et je voyais des bouts de manèges et surtout Gargantua, l'attraction symbole de ce parc. Ce souvenir a également rejailli devant la pochette de Gondry, j'ai pensé à Métropolis, à tout ce qui est coloré... Je me suis laissé embarqué par toutes ces idées et cela m'a mené à appeler l'album ainsi.

Quel est la teneur du nouveau live ?
C'est mon quatrième album et plus j'avance plus j'ai de la matière à jouer. Je peux faire une sélection parmi de nombreux morceaux, ce qui est vraiment bien. Je rejoue les morceaux que je sens que les gens attendent, en plus des nouveaux titres de l'album. Mais je suis aussi allé déterrer de vieux morceaux que je ne jouais quasiment jamais. J'ai pris du plaisir à les moderniser. Le live n'est pas figé et évoluera sans cesse. Sur l'aspect scénographique, j'ai travaillé avec Samuel Chatain et le chef déco de Michel Gondry. L'idée était de retrouver la pochette du disque en relief sur scène. J'avais envie d'aller à contre-courant de ce qui se fait beaucoup dans la musique électronique en ce moment, cette espèce de course aux nouvelles technologies. Du coup, j'ai un décor théâtral, dans un style très "Gondry" justement.

Vous êtes toujours un grand timide mais arrivez-vous davantage à gérer le trac au fil des ans ?
Oui, je maîtrise mieux mon trac. Je l'ai encore mais je connais mon fonctionnement. C'est un peu moins violent et physique qu'auparavant. J'ai gagné un peu en sérénité et le plaisir a pris le dessus sur la trouille. C'est vraiment agréable.  

Rone [+ Leska + Poto Feu Events], le 9 décembre à 20h30 au FIL


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