La douce folie de Marilu Marini

Délicat, dégingandé, "La Journée d'une rêveuse (et autres moments...)" est un délicieux moment de théâtre qui fait revivre Copi via son actrice iconique Marilu Marini dirigée avec un très grand tact par Pierre Maillet.


Elle est déjà là. Assise comme elle le fut pour Jorge Lavelli en 1984, dans cette bien-nommée Femme assise, pièce que Copi avait adaptée des dessins qui le firent connaître au mitan des années 60 avec ses planches publiées dans le Nouvel Observateur puis Hara-Kiri. Il racontait les rencontres avec un canard ou un poulet de cette naïve, « son exact opposé,  dira plus tard Marilu Marini, une femme pleine d'aprioris qui veut rester sur sa chaise sans bouger, car tout ce qui peut ébranler ses convictions est pour elle un grand danger ». L'écrivain argentin signait à la même époque, en 1968, cette Journée d'une rêveuse que son actrice fétiche joue encore trois décennies plus tard. Marini est toujours là. Elle ronfle exagérément. Puis irradie immédiatement. Parce qu'elle n'a peur de rien et possède le talent immense de savoir jouer tout, passant de la joie à l'étonnement ou la colère en une fraction de seconde. Elle est d'une hystérie parfaite.

Traverser l'air que l'on respire

Et c'est peu dire que Copi a écrit pour faire naître l'extravagance sur un plateau. Elle qui partage sa nationalité, avait été sollicitée par le festival italien de Spoleto pour lui rendre hommage. Elle a alors fait appel à Pierre Maillet, comédien notamment de Marcial di Fonzo Bo (qui a décidé, avec sa compagnie des Lucioles,  de monter tout Copi) et auteur très récemment à la Comédie d'un aussi excellent que déjanté La Cuisine cuisine d'Elvis. Il se met ici complètement au service de cette pièce peu jouée et la mêle à l'inédit Rio de la Plata, préface très personnelle d'un livre jamais écrit où l'auteur retrace sa vie en France, son boulot de dessinateur et surtout l'Amérique du Sud, en particulier le régime peroniste que son père a combattu, et l'homosexualité, omniprésente. Accompagnée au piano par un musicien qui sort à l'occasion très délicatement de son rôle, Marilu Marini est seule sur scène, mais ils sont "plusieurs dans sa tête". Par son incroyable capacité à les invectiver alors qu'ils ne sont pas figurés autrement que par des voix enregistrées (de Michel Fau, de Michael Lonsdale), elle leur confère à tous une vraie personnalité. Et prolonge, avec Maillet, depuis 2015 maintenant, cette œuvre indispensable pour traverser l'air que l'on respire dans cette France corsetée.

La Journée d'une rêveuse (et autres moments...), du mar 19 au jeu 21 décembre à 20h à La Comédie de Saint-Étienne 


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