Serial colleur

Le tatoueur et plasticien Anthony Roux ouvrira l'année 2018 sur le MUR stéphanois avec l'explosion de couleurs d'une nouvelle création originale.


Depuis l'ouverture en 2016 de Karavan Tatoo, son atypique salon de tatouage, Anthony Roux s'est très vite fait un nom et une réputation dans le milieu des tatoueurs régionaux. Mais avant de dessiner sous l'épiderme de ses clients, ce solide gaillard était d'abord un plasticien aussi doué que prolifique. Cette passion pour l'art contemporain, il la partage d'ailleurs avec sa femme Marcelline, avec qui il invite d'autres artistes à venir exposer au 2 rue des Martyrs de Vingré,  au premier étage de cette étonnante bâtisse,  on dirait du Gaudi,  La Martre de France. Et bien que son salon ne désemplisse pas, le tatoueur parvient à garder un peu de temps pour cette autre corde à son arc : collecter, redessiner,  découper, assembler, composer puis coller les ingrédients savamment choisis qui peuplent au final ses créations chamarrées. L'univers d'Anthony se faufile entre street art, BD, réclames façon pop art, avec une patte bien à lui, dans une tendance pop-flashy-underground autoproclamée, puisant une partie de son inspiration dans ses voyages ou séjours en Amérique du Sud, Inde et Afrique. A bientôt quarante balais, l'artiste s'émerveille encore des couleurs du monde, sans fausse naïveté cependant : ses jungles urbaines sont souvent peuplées d'hommes révoltés contre l'oppression ou engagés contre l'oubli. Outre sa participation aux récentes éditions de l'exposition collective Solid'Art, le plasticien a exposé ses travaux en divers lieux stéphanois depuis 2010, dans la Serre des beaux-arts, chez l'encadreur Philippe Durand, aux Pères Peinards, au Chok Théâtre, au Fil ou encore sur les murs de la galerie Isabelle Poli.

Shiva et compagnie

Comme pour célébrer la nouvelle année, Anthony collera début janvier une toute nouvelle création sur l'ancien panneau publicitaire de la rue du Frère Maras, à l'invitation de l'association Le MUR. Succédant à l'Américain Jordan Seiler et à l'Espagnol Ampparito, c'est au tour du Stéphanois de s'y coller, en maxi format panoramique,  dans ce bout de rue coincé entre le Brussel's Corner et l'entrée sud du parking des Ursules. « Un collage de trois mètres par huit mètres, c'est une première pour moi, je n'ai jamais travaillé en aussi grand format ! » Pour l'occasion, l'artiste semble revenir à ses premières amours, puisant dans le decorum iconographique du sous-continent indien. « L'ensemble peut paraître graphiquement très pop au premier regard, mais il faut savoir lire entre les lignes pour dénicher les messages dans les détails ». Cette nouvelle œuvre s'inscrit complètement dans la continuité du travail d'Anthony : généreusement colorée, truffé de petits clins d'oeil subversifs, sans jamais vraiment s'éloigner de l'univers du tatouage, avec ce quasi perpétuel foisonnement de symboles malicieusement détournés. Entre Shiva et ses icônes se glissent des bombes, derrière les fleurs et les oiseaux multicolores se cachent des têtes de mort. Les pistes se brouillent, quelque part entre l'Inde et l'Amérique latine, l'ésotérisme,  le social et le politique. Pour autant, un support de vingt-quatre mètres carrés induit forcément quelques contraintes techniques. Anthony explique. « Étant données la taille finale du collage et la minutie de ma composition, j'ai tout d'abord créé l'œuvre originale dans des proportions plus raisonnables, plus je l'ai scannée pour enfin la faire imprimer. » Une œuvre singulière et éphémère à découvrir avant recouvrement.
 
Anthony Roux, à partir du 5 janvier,  2 Rue du Frère Maras à Saint-Étienne


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