"Downsizing" : Rien ne sert de raccourcir…

Et si l'humanité diminuait pour jouir davantage des biens terrestres ? Dans ce reductio ad absurdum, Alexander Payne rétrécit un Matt Damon candide à souhait pour démonter la société de consommation et les faux prophètes. Une miniature perçante.


Disparu en novembre dernier dans une consternante indifférence, le réalisateur français Alain Jessua aurait à coup sûr raffolé de l'idée. Cousinant avec ses fables d'anticipation dystopiques que sont Traitement de choc (1972) ou Paradis pour tous (1982), Dowsizing est en effet un de ces contes moraux où une “miraculeuse” avancée scientifique, perçue comme une panacée devant soulager l'humanité de tous ses maux, finit par se révéler pire remède que la maladie elle-même.

La découverte est ici un procédé (irréversible) permettant de réduire les organismes humains afin d'économiser les ressources de notre planète surpeuplée, augmentant mathématiquement le patrimoine des sujets miniaturisés. Alléchés par cette perspective, Paul et son épouse s'inscrivent au programme. Mais au dernier moment, la belle se déballonne : Paul en est réduit à vivre rapetissé et seul. Au paradis ? Pas vraiment…

À naïf, à demi-naïf

Il y a deux actes biens distincts dans Downsizing : l'un dédié au “prodige” en tant que tel, l'autre à l'une de ses conséquences politiques et sociales — en cela, il rappelle par sa construction le Dead Zone de Cronenberg et par sa morale Le Guépard de Visconti. Payne délaisse à temps la comédie (qui se serait vite essoufflée sur le registre du grand/petit) pour s'attaquer à la vraie question des inégalités, que la réduction n'abrase pas bien au contraire : quelle que soit sa taille, toute société tend à reproduire des castes et des classes, voire à creuser un fossé plus profond entre les nouveaux privilégiés… et les autres. La mini-cité idéale ne fait pas exception, qui fabrique son nouveau lumpenprolétariat à partir, notamment, des réfugiés.

Parangon du brave consommateur occidental, le personnage principal s'y montre d'une désarmante naïveté dans son néo-darwinisme perverti : plutôt que chercher à adapter son mode de vie à l'épuisement des ressources, il préfère s'adapter à son mode de vie et suivre aveuglément tout nouvelle “offre” — y compris spirituelle. Cette parabole d'une course effanée à l'abîme alors que le monde agonise devrait faire réfléchir celles et ceux qui n'ont pas encore les esprits trop rétrécis. Enfin, bref…

Downsizing de Alexander Payne (E.-U., 2h16) avec Matt Damon, Kristen Wiig, Christoph Waltz…


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