"Cas de conscience" : Faute à demi-avouée…

Un spécialiste en médecine légale découvre qu'il a pu involontairement causer la mort d'un enfant. Comment s'en assurer en satisfaisant sa conscience et son intégrité professionnelle ? Ce casse-tête moral révèle un nouveau talent iranien : Vahid Jalilvand.


Contraint de faire une embardée pour éviter un véhicule, le docteur Nariman renverse une famille à scooter. Apparemment, les passagers n'ont rien mais quelques heures plus tard, l'un d'entre eux, un enfant arrive à la morgue. L'autopsie révèle qu'il peut avoir succombé à une intoxication alimentaire. Mais Nariman redoute qu'il s'agisse d'une séquelle de l'accident. Parlera-t-il ?

Les cinéastes iraniens chercheraient-ils à illustrer, en version persane et contemporaine, la sulfureuse sentence de Sartre : « Jamais nous n'avons été aussi libres que sous l'occupation allemande » ? Les œuvres qu'ils nous font parvenir ces dernières années, en dépit des intimidations du régime des mollahs, évoquent avec un courage et une acuité extraordinaires les ambiguïtés de la société dans laquelle ils évoluent. Hypocrisie et prévarication, chape éthique et concussion, débauches privées et rectitude publique sont dépeints sans tabou dans des drames bruts, suffocants. Autant de chroniques révélatrices d'un quotidien oppressant ; de contes philosophiques à portée universelle.

Post mortem medicator triste

Comme Asghar Farhadi ou Mohammad Rasoulof, Vahid Jalilvand place l'individu face à un dilemme moral à fragmentation : d'un acte en apparence anodin découle une cascade de conséquences tragiques… faisant reconsidérer a posteriori la réelle importance du fait initial. Spécialiste en médecine légale, Nariman se voit ici contraint d'autopsier sa mémoire, de disséquer sa conscience pour savoir ce qu'il doit faire : se satisfaire du diagnostic d'un empoisonnement ou orienter les investigations en direction d'un éventuel traumatisme invisible pour soulager sa conscience. Et permettre d'éviter d'autres dommages collatéraux. 

Jusqu'à l'ultime seconde de ce film, il est impossible de statuer sur le personnage de Nariman (excellent Amir Aghaei) présenté de bout en bout comme honnête, attentionné, scrupuleux et qui pourtant semble contrevenir à sa déontologie professionnelle comme à son entourage en prenant une décision absurde. Après l'ultime seconde, le souffle coupé et la gorge nouée, on ne pense plus rien : on a compris.

Cas de conscience de Vahid Jalilvand (Ira., 1h44) avec Navid Mohammadzadeh, Amir Aghaei, Zakieh Behbahani…


<< article précédent
Petit Bulletin Festival #2 : embarquement immédiat à Lyon !