"America" : God blesse

de Claus Drexel (E.-U., 1h22) documentaire…


Alors que la campagne présidentielle américaine bat son plein, le documentariste Claus Drexel fait une longue escale à Seligman, Arizona. Et donne la parole à ces ressortissants de l'“Amérique profonde”, dont les voix comptent autant que celles, plus médiatisées, des Côtes Est et Ouest.

À la manière d'un zoom, America complète et approfondit le We Blew it de Jean-Baptiste Thoret, tourné partiellement (et concomitamment) à Seligman : on note d'ailleurs quelques protagonistes en commun, dont le coiffeur vétéran.

Avec Martin Weil pour l'émission Quotidien, Drexel est l'un des rares à avoir ausculté la réalité, pressentant ce qu'aucune bonne conscience (malgré le précédent Bush/Gore) ne se résolvait à considérer comme possible. Prenant le temps d'interroger longuement des citoyens — gens ordinaires, électeurs, militants ou non —, le documentariste fouille une conscience sociale baignée plus qu'abreuvée par les discours de propagande de Trump. On ne voit pour ainsi dire jamais les images du candidat républicain, mais sa bande-son est omniprésente. Et elle fait écho aux préoccupations des laissés pour compte, ancienne combattante, chômeurs, partisan·e·s du deuxième amendement… Tous ceux, fatalement majoritaires, ne se reconnaissant pas dans l'image du citadin fédéral.

Loin de prendre ses interlocuteurs de haut, avec la morgue de celui qui vient pour donner la leçon, Drexel obtient des témoignages tristement compréhensibles : le sentiment d'abandon pousse au besoin régressif d'être une “grande Nation”, nostalgie d'un âge d'or chimérique.

Titrant son film sur une carcasse animale en position christique, Drexel l'achève avec un plan ô combien synthétique et symbolique : un interminable convoi ferroviaire chargé jusqu'à la gueule de tanks flambant neufs, traçant dans le dessert alors qu'au premier plan rouille sur place du matériel agricole. L'Amérique a fait son choix ; tout est dit. Tristement édifiant. 


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