Sans péridurale

Avec humour et justesse, Gilles Granouillet se penche sur les berceaux d'une maternité, scène de théâtre par excellence où l'excès d'hormones hystérise les comportements.


Il n'y a pas que les bébés qui naissent dans les maternités, il y aussi des femmes qui accouchent… de leur propre histoire, des hommes qui livrent leurs doutes et leurs angoisses à la machine à café, des âmes torturées qui rôdent dans les couloirs, et la mort…jamais bien loin pour rappeler le fil ténu qui nous suspend à la vie. Ce concentré d'humanité, le dramaturge stéphanois, Gilles Granouillet, nous le livre sans fard. La palme du politiquement incorrect étant cette quadra désabusée qui refuse de mimer la mère comblée par l'arrivée d'un quatrième enfant, qui ne veut plus répondre à cette assignation sociale du bonheur de l'enfantement. Comme un déclic qui fait tomber un masque lisse, porté de longues années, d'une vie de famille où le désir s'est effacé derrière le devoir, où l'être a été noyé dans le paraître. Un désarroi bien plus profond qu'un "baby-blues" passager, subtilement communiqué par l'actrice Nathalie-Rachel Legros, qui joue aussi, sur un registre bien moins subtil, le rôle d'une "cougar" hilarante, mettant au monde le fruit de son idylle adultérine avec un jeune jockey dépassé par les événements. La scène de l'accouchement sans péridurale où la trop vieille primipare fulmine contre l'affront de la douleur et le mythe de la béatitude maternelle fait mouche, malgré son côté "déjà vu".

Baromètre émotionnel détraqué

En nous faisant tour à tour espionner par le trou de la serrure l'intimité de ces chambres d'hôpital ou assister aux échanges cocasses autour de la machine à café, la pièce de Gilles Granouillet nous évoque forcément des souvenirs vécus, parents au baromètre émotionnel détraqué, où simples visiteurs embarrassés. L'occasion de rappeler aussi qu'une maternité reste un des rares lieux de mixité sociale. Des personnages que le hasard d'une fécondation simultanée réunit alors qu'ils ne se côtoieraient nullement dans la vraie vie. Des histoires à la vraisemblance douteuse parfois comme cette "executive woman" asséchée retrouvant la voie de l'humanité grâce à l'homme de ménage venu vider sa corbeille de bureau. Un des rares clichés concédés à la mièvrerie dans ce joli spectacle équilibré.

Naissances, vendredi 27 avril à 20h30 à La Buire à L'Horme et vendredi 4 mai à 20h au Théâtre du Parc à Andrézieux-Bouthéon


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