"Katie Says Goodbye" : Demande à la poussière

de Wayne Roberts (E.-U.-Fr., int.-12 ans, 1h29) avec Olivia Cooke, Christopher Abbott, Mireille Enos…


Fleur pure éclose au milieu d'un trou désertique perdu, Katie vit avec sa mère immature, dispense chaque jour son sourire dans le diner où elle bosse et fait des passes avec quasi tout le monde afin partir à Frisco pour devenir esthéticienne. Un ange de bonté, qui va pourtant subir le pire…

Bien malin qui parvient dès les premières images à dater ce film renvoyant une image atemporelle ou, à tout le moins, figée dans le rose-bonbon années 1950 des États-Unis : aucun des marqueurs coutumiers de la “contemporanéité“ que sont les écrans ou les smartphones ne vient perturber ce microcosme figé dans une époque idéalisée, bien que totalement révolue. Des enclaves bien réelles, rappelant ces patelins aperçus récemment dans Lucky ou America où le sentiment d'isolement n'a rien d'une vue de l'esprit.

Dans ce cadre ayant tout d'un cloaque putride, il aurait été très (trop) facile de savonner la planche : en sacrifiant Katie, en chargeant les ordures qui l'agressent ou qui l'enfoncent quand elle est au plus bas. Mais Wayne Roberts s'écarte de la ligne toute tracée de ces mélos se délectant avec une jouissance suspecte du malheur de leur protagoniste : plutôt que de s'acharner sur Katie et de la traiter en victime, le réalisateur lui rend justice, dresse d'elle le portrait d'une jeune femme lumineuse, dépourvue de haine et de rancune — la beauté de son âme n'est jamais entachée par les souillures de son corps. Il achève même ce conte déviant sur un plan sublime résumant son héroïne : un éclat de larmes aussitôt balayé par un sourire lumineux.

Katie Says Goodbye doit enfin énormément à sa jeune interprète, Olivia Cooke (à l'affiche de Ready Player One), dont le physique et la spontanéité rappellent Sara Forestier. On lui souhaite le même courage et la même trajectoire.


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