"Mutafukaz" : Hybrides débridés

Retour gagnant sur grand écran pour Guillaume Renard, alias Run, qui offre de l'espace et du temps aux héros de l'univers pop-pulp-futuriste de Mutafukaz, la série qu'il avait développée en BD. Une synthèse street-punk bariolée, avec des cafards, des mutants et de la lucha libre.


Dark Meat City. Livreur de pizzas parfumé à la lose, Angelino voit sa vie changer le jour où, après avoir un peu trop maté une belle donzelle, il percute un camion. Une armée de tueurs détruit son taudis, le forçant à partir en cavale avec son colloc'. Au passage, il se découvre des pouvoirs…

Apparue avec le millénaire et son cortège de néo-usages techno-ludiques, la maison Ankama héberge une flopée de séries transmédia qui, fort logiquement, trouvent au cinéma un terrain de jeu supplémentaire. Après le réussi Dofus, livre 1 : Julith (hélas passé un peu inaperçu), voici donc un nouvel objet pop-fusion post-moderne tirée de cette galaxie aux inspirations multiples et débridées : entre l'anticipation et la dystopie, la jungle urbaine peuplée d'aliens undercover visant à prendre le contrôle de la planète en asservissant les humains rappelle le John Carpenter de Invasion Los Angeles. 

Ados dans le viseur

Mais aussi la désinvolture vitaminée du Tarantino de Pulp Fiction ne lésinant pas sur les flingues ni l'hémoglobine — la violence visuelle n'est pas ici éludée, loin s'en faut — et prenant autant de libertés qu'il est permis d'en voler avec la stricte linéarité du récit. Deux arguments de choix pour conquérir une cible adolescente (en-dessous de 12 ans, ce serait du massacre), sans doute déjà appâtée par la tête de gondole Orelsan/Gringe, duo sélectionné pour prêter sa voix à Angelino et Vinz.

Dans cette historie peuplée de créatures à la physionomie indéterminée, l'objet de toutes les convoitises est l'hybride parfait entre un humain et un extra-terrestre ; une sorte de chimère aussi improbable et puissante qu'un cocktail tequila-saké. Cohérence suprême, Mutafukaz milite aussi pour les vertus du métissage et de l'hétérogénéité à travers sa forme auto-zappante et sa conception eurasienne. Preuve que même dans le chaos on finit toujours par trouver un semblant d'ordre…


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Lisa White, commissaire générale de la Biennale 2019