C'est qui cette fille ? : Je l'aurai, un jour, je l'aurai

de Nathan Silver (Fr-É.-U., 1h23) avec Lindsay Burdge, Damien Bonnard, Esther Garrel…


Quand Gina, hôtesse de l'air américaine, rencontre Jérôme à Paris, c'est le coup de foudre. Elle décide donc de s'installer en face de chez lui, pour être au plus près de sa vie, qu'elle va investir avec le sourire. Sauf que Jérôme n'avait pas vraiment prévu cela…

Malgré son nom aguicheur, l'érotomanie n'a rien d'une partie de plaisir puisque les malades croient dur comme fer être aimé·e·s par des individus qui ne leur ont en général rien demandé mais sur lesquels ils·elles ont fait une mystérieuse fixation. Tristes, embarrassantes et parfois tragiques, ces situations sont du pain bénit pour les scénaristes et cinéastes amateurs de psychoses délirantes : sans ces cas pathologiques, nous n'aurions pas eu ni L'Histoire d'Adèle H., ni Anna M. (ni À la folie… pas du tout, mais bon…). Gina-l'hôtesse de l'air entre dans ce club de femme fascinées et fascinantes, victimes d'un amour non bijectif et transformant en enfer l'univers de leur cible. 

Dans C'est qui cette fille ?, Nathan Silver ne tire pas pour autant sa romance vénéneuse vers le thriller : affectueusement proche de Gina, il en fait l'héroïne fantasque d'un conte contrarié, doucereusement inquiétant. Son époustouflant travail sur la composition lumineuse, rappelle autant L'Enfer de Clouzot (autre film de détraqué) que le cinéma de NRW (idem) et convainc que Gina a de la réalité une perception certes déformée, mais à l'esthétique diablement séduisante.

Outre l'œil, l'oreille est ici conquise par quelques morceaux d'un fameux groupe de rock-baroque-progressif rhônalpin (et néanmoins culte), Angel Maimone Entreprise, que le réalisateur américain a découvert grâce à son chef-opérateur Sean Price Williams. Non seulement les musiciens lui ont permis d'utiliser leurs morceaux, mais cette sollicitation inattendue leur aurait donné envie de remettre le couvert ensemble. Ancien volcan trop vieux, rejaillir le feu, toussa…


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"Come as you are" : La mauvaise éducation